samedi 30 mai 2009

Pour l'amour du hip-hop


J'aimerais ça parler de Hip-Hop ce soir. Je me dis que ça pogne le hip-hop, les gens aiment lire la-dessus...mais il n'y a rien de bon dans le hip-hop. Surtout le hip-hop québecois...je pourrais vous parler de beefs minables entre rappeurs de second ordre mais ça n'a que très peu d'intérêt. Je pourrais également aborder une des quelconques sorties d'album de ces rappeurs de second et de troisième ordre, mais ça , ça ne m'intéresse pas...Le hip-hop québécois voit ses rangs grandir à chaque semaine d'un album médiocre...triste réalité.

Je me demande ce qui s'est passé avec le hip-hop québecois, ou même le hip-hop en général. Qu'est-ce qui a bien pu intervenir au cours des 7-8 dernières années pour arriver à un tel constat pathétique? Dépendamment de où on se situe dans le spectre du hip-hop, notre réponse est différente. Certains diront les beefs, le retour des années 80, la situation économique actuelle, l'avènement de l'internet...d'autres en sont satisfaits...Pour ma part j'en sais trop rien. Ce qui m'inquiète par contre c'est la perte du message et du souci de la qualité lyricale. C'est normal, c'est ce que je prône dans mes propres chansons me direz-vous. Ben un peu. Reste que j'ai grandi en écoutant du hip-hop de qualité et que je tiens à en faire de mon côté et que qualité ne rime pas juste avec qualité sonore (en fait ça rime même pas avec sonore).

Je ne sais pas si on peut pointer un coupable...peut-être que celui-ci est tout simplement la suprématie du beat? Ce serait dans l'ordre naturel des choses, non? Le beat, c'est le rythme; le rythme de travail, le rythme qui nous enchaîne à un ordre établi. Ce rythme s'est tellement infiltré dans notre inconscient qu'on l'utilise même dans des moments où on cherche à fuir cette aliénation ... En y pensant, ça donne un peu de sens; les héros du beat actuels prônent généralement des valeurs liées au capitalisme et nous démontrent dans leurs vidéos qu'ils en sont prisonniers. Je ne veux pas tomber dans le prêchi-prêcha, mais l'accumulation de biens matériels, les bijoux, la revendication d'une masculinité par la soumission de la femme à un travail sexuel....

Et il y a de ces «rappeuses» (notez les guillemets) qui jouent le jeu. En fait, elles ne jouent pas, elle travaillent. Utilisant le beat pour mettre en valeur le travail d'une féminité prisonnière d'un carcan machiste. Le pire, c'est qu'elles disent qu'elles font le contraire...

La situation au Québec est encore pire que tout...je mets ça sur le dos de la petitesse de la scène culturelle et des canaux médiatiques qui la diffusent. Certains groupes qui connaissent un succès relatif sont pour moi des aberrations...flow de merde, texte encore pire, personnalité calquée sur un artiste plus en vue, beatbox de piètre qualité... mais il y a du beat. Et généralement un beat électro...On me qualifiera de rétrograde, de retourner dans les années 90, d'accepter le changement, que les gens ne veulent plus se prendre la tête avec des textes compliqués, qu'ils veulent juste danser et avoir du plaisir...

Le plaisir, les loisirs, tel qu'on les connaît, sont une aliénation en lien direct avec le principe du travail. Ils nous rendent esclaves du beat et du divertissement qu'il nous procure. Le seul échappatoire est dans l'attention (j'utilise volontairement ce terme pour éviter de tomber dans le new-age et autres discours de conscience stériles qui me donnent la chair de poule).

Il y a qulequechose de bien par contre dans le hip-hop d'ici, c'est le site www.boutique-rap.com
Fruit du travail bénbévole d'un gars qui s'efforce à diffuser du hip-hop de qualité (selon ses critères) en français. Ce qui fait qu'il vend des importations de France à prix modique et de cd de rap québécois dans lesquels il croit. Et ça se fait bénévolement, à 1 dollar de plus que le prix de l'achat du disque au label ou aux artistes. Il livre même à domicile...


www.boutique-rap.com

6 commentaires:

  1. Belle analyse socio-économique de la situation. Ça aurait été drôle de voir ce que Marx aurait dit là-dessus s'il en avait été témoins. Quoique d'autre ce sont chargés de continuer l'analyse plus loin (Adorno, Benjamin, et beaucoup de plus récents que je ne connais pas...). Évidement je te trouve dur sur le "beat" (mais je suis biaisé he he he c'est clair, toi aussi remarque) même si j'approuve une grande partie de l'analyse. Je voudrais juste amener de l'eau au moulin en te/nous/vous faisans remarquer que la prédominance dans le marketing du rap (si on veut vraiment continuer dans l'esprit de ton article) est largement dominée par la mise en avant des rappers (avec rien à dire, je assez d'accord avec toi)... c'est tout de même paradoxale pour une musique qui serait dominée par le beat. Combien de Dr. Dre, de Timbaland, de Kanye (personnage un peu exceptionnel) pour tous les Snoop Dogg, Nas, 50 Cent, Lil Wayne, et j'en passe. Malgré cette prédominance de la toune de club ou le MC est/serait réduit à son premier et son plus simple medium... chauffé la salle pourquoi est-ce que les producteurs de ces beats sont si peu connue du commun des mortels??? Il n'y a à peu prés plus de scratch dans le hip-hop... les rappeurs ont volés la vedettes depuis plus de 15 ans mainetant... je ne pense pas que cet argument vient à l'encontre de ton analyse, mais il l'a colore et lui donne une autre resonance. D'autre part tu trouvera autant de personne pour dire que les beats en boucle enchaîne et aliènent que d'autres pour te dire qu'ils libèrent (dont beaucoup sont dans la musique expérimentale...). Si ça te tente d'avoir un point de vue très articulé (mais plein de faute de frappe... tu peux lire la retranscription de l'interview au complet de Kode9 par le Wire: http://www.thewire.co.uk/articles/2439/?pageno=1

    Très beau travail de blog en passant... c'est inspirant et ça donne à penser, ce qui ne fait jamais de mal!!!!

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  2. J'ai le wire avec Kode9 mais je n'ai pas lu l'article...j'en suis gêné :)

    J'y ai pensé en écrivant cette entrée, j'avais en tête certains minimalistes aussi et je coris que la libération ne peut être atteinte que par la transe à ce moment...mais je sais pas, je réfléchis tout haut
    Merci Olivier

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  3. Ben oui, je sais que tu penses tout haut... et justement c'est un des trucs que je trouve trés cool de ton blog!

    Je me doute que tu as le Wire, je te pointait le transcript parce que je suis sûr qu'il doit y avoir une fraction de l'entrevue re-transcrite et, honnêtement le gars est tellement intéressant que ça vaut la peine de prendre les heures (!!!!) pour le lire dans le texte!

    Pour continuer dans le dancefloor conscient on pourrait aussi penser à Underground Resistance mais c'est un peu hors-sujet par rapport à ton article...

    Anyway... ça continue à me trotter dans la tête!

    Olivier

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  4. Dans l'article papier il parle justement de la transe, mais comme d'une finalité, où justement comme porte de sortie. C'est là où moi j'accroche, je ne suis pas sûr que la transe est la seule façon de vivre pleinement le beat...

    Pour ce qui est des rappeurs, je em questionnait: à partir de quand dasn l'histoire est-ce qu'on a commencé à vouer un culte aux chanteurs...depuis Elvis Presley ? Est-ce aussi quelquechose qui a commencé en occident?

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  5. Pour moi la question est plutôt dans ce rapport fluctuant entre chanteur et compositeur ou (de nos jours) producteur... le switch de la prédominance de l'un par rapport à l'autre dans la musique populaire.

    La tendance dominante dans le hip-pop de nos jours est un chanteur dont l'album est composé des beats de plein de producteurs différents. Alors qu'avant le milieu des années 90 (je ne suis peut être pas exact) on avait des groupes consistant d'un ou plusieurs producteurs (souvent le scratching DJ en même temps: Dre, DJ Premier, Erik B., etc...) eh puis à partir de 2pac, Snoop Dogg, B.I.G. et culminant avec Nas, l'album de multi-producteurs... si on y regarde bien c'est un retour aux canons de la musique afro-américaine des années 50 et 60 = Motown, Stax, etc. : un band de studio studio, un chanteur et un compositeur par chanson. Il se passait la même chose en Jamaïque quelques années plus tard je pense. C'est la division scientifique du travail, pas étonnant que cette belle petite machine soit arrivé à son état le mieux huilé et le plus productif à Detroit, Motor City... Puis le rock a révolutionné ce système avec le concept du groupe constitué d'égaux.

    Pour ce qui est du culte voué aux chanteurs je dirais qu'à fortiori, et sans trop y avoir pensé, ce doit être une "invention" du 20ème siècle avec l'avènement de la reproduction industrielle... avant, l'adulation d'une ou d'un chanteur était sans doute plus cantonné à des cercles plus restreint. La reproduction se faisait par partition donc le projecteur (ou le chandelier ;-) était entièrement tourné vers le compositeur... bien entendu tout cela devrait être vérifié, ce ne sont que mes hypothèses. Et pour ce qui est de la musique extra-occidentale... aucunes idées.

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  6. P.S. Un trés bon album de Hip-Hop/Grime : http://www.youtube.com/watch?v=t1cRqi6aYIc

    Beats minimalistes, et de vrais textes... un travail avec beaucoup de création d'ambiances symbiotiques entre les chanteurs et les beatmakers... je trouve

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