
Ces derniers jours je réfléchis beaucoup à la musique. En particulier la question soulevée lorsque je parlais du japrock et du krautrock, soit de leur naissance dans les débris encore fumant de la deuxième guerre mondiale. Ces deux pays ayant subit une défaite et l'humiliation qui vient avec, devaient se ressaisir et ce n'était pas de façon militaire...
Personne ne contredit aujourd'hui les puissances économiques que représentent l'Allemagne et le Japon,ces deux pays sont chefs de file dans leurs domaines respectifs avec une économie prospère. Suite à la deuxième guerre mondiale, comment ces deux pays ont-ils fait pour se recréer une identité et reprendre leur juste place dans le monde occidental? Si on regarde aujourd'hui la fascination de plusieurs occidentaux pour le Japon ainsi que le magnétisme de Berlin au yeux de la jeunesse hipster mondiale, il faut reconnaître qu'ils ont réussi quelquechose. Et je crois que cette fascination passe par la culture.
Si le japrock et le krautrock sont revenu au goût du jour, au point où on ressort des vieux albums depuis longtemps épuisés, n'ayant pas connu de succès majeur à l'époque de leur sortie, il doit bien y avoir une raison?
J'avance l'idée que la musique expérimentale (où les arts expérimentaux) est un vecteur de culture et ce qui fait grandir une nation...Si on regarde la France d'avant-guerre, de nombreux artistes allaient faire leurs marques, on peut penser à Pierre Shaeffer ou Pierre Henry, entres autres, plaçant la France à l'avant-garde de la culture et étant regardée avec intérêt par les autres pays. Mais depuis...
Suite à guerre il m'apparaît que ce sont les États-unis et l'Angleterre qui ont repris le flambeau; exode des artistes et penseurs dans ces pays aidant. Et puis ensuite, le Japon et l'Allemagne, où l'avant-garde à pris un peu le maquis et s'est constituée en marge des réseaux institutionnalisés. Depuis les années 60 les choses ont changé, évidemment.
Avec le recul je me demande ce qu'on dira de Montréal. Dans 40-50 ans, comment sera perçu et expliqué l'éclosion de la musique expérimentale à montréal à la fin des années 90. Quels facteurs seront isolés pour expliquer l'affluence d'artistes anglophones du Canada et des États-Unis à Montréal, venu créer de la musique pop d'avant-garde? Bon entendons nous, j'utilise avant-garde au sens «dilué» du terme et ne considère pas les démarches des gens comme Patrick Watson comme étant radicale, néanmoins ils osent prendre des risques. On va dire que les loyers ne sont pas chers, l'ambiance cosmopolite, les lieux de diffusion...mais est-ce tout? C'est sûr que Montréal est unique mais plein d'autres villes semblent aussi accueillantes.
Et puis la musique francophone? Les groupes qui ont fait de Montréal ce qu'elle est sont principalement anglophones (ou au mieux, bilingues). L'exemple principal qui me vient est sans contredit le groupe Godspeed you Black Emperor, qui sont les principaux artisans de cette reconnaissance culturelle que bénéficie Montréal. En étant plus populaires en europe qu'ici, en ouvrant des lieux de diffusions marginaux, ils ont pris les rennes de la scène expériementale et l'ont mené aussi loin qu'ils ont pu. Au tournant des années 2000, ce sont le groupes comme Malajube, Gatineau, Pas Chic Chic... qui ont pris les devants de la musique francophone québecoise, de la jeune musique francophone, osant incorporer à leur musique des éléments plus «weird» leur donnant un intérêt international que peu de groupes bénéficie.
Je me demande s'il n'y a pas un lien avec l'échec référendaire de 80...Car c'est cette jeunesse francophone qui aujourd'hui produit cette musique. Cette jeunesse issue des années 80. Si la défaite de la deuxième guerre mondiale a crée chez la génération d'après-guerre un envie de créer, de briser des barrières, peut-on faire le rapprochement avec le référendum de 80? Bon ce n'est pas une guerre mondiale, mais le Québec est comme un microsystème, un mini pays où tout prend une ampleur exagérée.
Parceque la musique expérimentale voyage, plus même que la musique pop en français. La musique expérimentale ne connaît pas les barrières de la langue, on peut créer dans une langue inventée si on veut.
Est-ce donc l'avenir pour le Québec francophone? Diffuser le français à travers la musique, rendre le français et la culture québécoise attrayante pour les autres? C'est un peu ce qui arrive; est-ce seulement moi où je croise de plus en plus de jeunes canadiens venus en immersion francophone à Montréal? Au lieu de miser sur une séparation physique, serait-ce possible au contraire de rendre le français plus intéressant pour le reste du Canada, pour cette jeunesse ouverte sur le monde qui semble prête à le faire? Je regarde autour de moi et considère les expériences vécues: mon ami Scott, à Montréal depuis plusieurs années déjà, ne parle toujours pas français mais en ressent une certaine culpabilité...c'est intéressant, car surement que cette culpabilité il ne voudra pas la faire vivre à ses enfants. Ira Lee, à Montréal depuis un peu plus qu'un an je crois, parle déjà très bien le français (ben pour quelque'un que ça fait un an qu'il est ici). En tournée en France, Thesis Sahib et Fritz the Cat, ontariens, se mordant les doigts de ne pas comprendre et parler le français tandisqu'ils avaient la possibilité de l'apprendre au Canada...
Et il y a plein d'exemples du genre. Donc, en créant une musique intéressante, d'avant-garde et en français, on peut déjà commencer à rendre la langue plus intéressante pour les autres. Pourquoi en écoutant Mattr je me dis que j'aimerais parler suisse-allemand? en écoutant Kan Mikami parler japonais? Parceque la musique me touche et transcende les genres...ça aussi c'est important. Du rock, il y en a dans toutes les langues/pays mais du rock expérimentale, avant-gardiste...un peu moins.