jeudi 3 décembre 2009

Le Hip-Hop et moi : message aux rappeurs


Bon, j'ai déjà abordé ici les thèmes qu'on va retrouver mais toujours sous un angle particulier. Ce qui me fait réagir, c'est la lecture de l'entrevue de Manu Militari dans le Voir cette semaine. J'ai beaucoup de respect pour l'oeuvre de celui-ci, un des très bon rappeur québecois. Cependant, quand celui-ci se dissocie de la scène hip-hop ça me fait réfléchir.

La semaine dernière, dans un des hebdos anglophones, un rappeur de Velvet Trench Vibes disait la même chose : Je ne suis pas hip-hop, je ne me reconnaîs pas dans le hip-hop, etc... le plus étrange dans tout ça, c'est que je tenais le même discours il y a quelques années, quand je commençais à expérimenter avec le hip-hop... Mais jusqu'à preuve du contraire, Manu et Velvet Trench Vibe font du hip-hop, live band ou non... La notion d'identité à travers le hip-hop (et la société québecoise entres autres) est un sujet qui a mobilisé beaucoup de réflexion chez moi quant à savoir ce qui en était vraiment et aussi pour enfin parvenir à répondre aux questions c'est quoi le hip-hop et qui est hip-hop? On opposera que c'est surement pas nécessaire à définir, que c'est un genre d'élitisme et de ségrégation...ben ceux qui le pense n'ont pas tort...seulement c'est un peu plus nuancé.

D'emblée, il est important de considérer le hip-hop comme une culture, je ne reviendrais pas la-dessus. Culture profondément new-yorkaise qui s'est répandue à travers le monde de par son attrait pour la jeunesse. Jusqu'au milieu des années 2000, la culture hip-hop pouvait encore être considérée comme marginale et celà contribuait grandement à sa diffusion au travers de toutes les couches sociales de nombreuses communautés sur le globe. Marginale pricipalement car sous-jacente à la culture de masse, proposant une esthétique de vie différente et un modèle d'éthique tout aussi différent. Donc, ces facteurs (et d'autres surement) ont largement aidé à cette identification de masse de la jeunesse...

Abordons un peu l'identification. Lacan a introduit le concept du stade du miroir afin d'illustrer ce processus identificatoire, construit sur une notion d'idéal du moi. Cette impossibilité humaine à pouvoir se réprésenter à nous-même qui nous sommes, a laissé un trou énorme. Un trou par lequel passerait la culture, l'éducation, etc... On peut penser que la culture hip-hop est venue boucher ce trou (en partie). Et a permis à de nombreuses personnes d'arriver à une image d'un moi idéal plus ou moins satisfaisante (notons que le moi idéal n'égal pas Idéal du moi, selon Lacan). Tous s'entendent pour dire que l'adolescence est une période déterminante pour la construction identitaire et il n'est pas rare de voir le hip-hop s'instaurer chez l'individu durant cette période, lui permettant d'articuler une image de lui-même qui lui convient. Je parle du hip-hop mais ça peut être n'importe quoi, on s'entend...

Seulement, il arrive qu'en vieillissant, cet idéal se modifie et on s'identifie à d'autres choses, c'est normal. Rester dans le même état identificatoire nous promet de belles choses, qu'on peut voir avec la génération des 30 ans et plus, qui s'accroche de façon pathologique à des idéaux et des images légèrement puérils; fascination de la criminalité, obejctisation de la femme, accumulation de biens matériels à outrance, etc...vous voyez suremement où je veux en venir...

Est-ce que c'est ça le Hip-Hop? J'espère que non. En fait, non. Ce n'est pas du tout ça. C'est ce qu'on veut nous faire croire et ça réussit. La preuve, Manu Militari qui s'en dissocie...c'est assez éloquent. Pourtant, je suis persuadé qu'adolescent il s'est identifié à fond au hip-hop, même chose pour Velvet Trench Vibes, mais là ils ont grandi, n'écoutent plus vraiment de rap, ne partagent pas les valeurs médiatisées de cette culture...j'ai fait pareil mais maintenant je propose le mouvement inverse. Car ce sont eux, les rappeurs en marge de ce qu'on veut nous faire gober comme valeurs, qui peuvent contribuer à changer cet état des choses. Personellement, faire du rap implique s'inscrire dans une tradition culturelle propre au Hip-Hop; la musique, les propos, etc, peuvent complètement être en marge de ce qui est commercial mais ça reste du rap... Le rap n'est pas le hip-hop diront certains, c'est vrai. On peut faire du rap sans être Hip-Hop: Lucien Francoeur, Daniel Lavoie, Mc LaSauce...Des gens qui font du rap sans avoir cette notion d'identification avec la culture qui l'a vu émerger. Et s'ils l'avaient, je soupçonnerais un certain trouble de personnalité car le hip-hop répond bien aux adolescents, pas aux adultes...

On peut donc changer les choses, en affirmant haut et fort qu'on fait du hip-hop, et que dans le hip-hop il y a du bon et du mauvais. Qu'en choisissant de faire du rap, on a choisi aussi de s'inscrire dans une mouvance culturelle et qu'on accepte d'avoir à lutter pour montrer que le Hip-Hop , ce n'est pas nécesssairement ce qu'on veut nous faire gober... et j'en connais beaucoup de rappeurs qui pourraient porter le chapeau, rendant ainsi à cette culture un peu du bien qu'ils ont reçu lorsqu'ils se cherchaient et étaient en quête d'identité. Parceque le Hip-Hop se cherche présentement et est en crise. On peut tous fuir le navire et l'abandonner comme un jouet désuet, c'est possible...mais on peut aussi y rester et contribuer à changer des mentalités. À accepter aussi ce qui nous énerve de cette culture et qu'on rejette d'un bloc. Quand on me demande si je m'identifie à la culture hip-hop je réponds que je n'ai pas le choix...elle m'a tellement donné que je dois le lui rendre, en montrant que cette culture évolue, mûrit, se transforme, adopte des formes complètement fucked up/abstraites mais ça reste du Hip-Hop... même si ses puristes disent le contraire...

On m'a demandé en entrevue il y a quelques années c'était quoi pour le moi le hip-hop....j'ai répondu que je ne savais plus... À la limite on s'en fout de ce qu'est le hip-hop, tout ce que je sais c'est qu'en faisant du rap, j'en fais parti, Velvet Trench Vibes et Manu Militari aussi.

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