jeudi 3 septembre 2009

Ceux qui marchent seuls




J'ai découvert la musique de Leonard Cohen d'une drôle de façon. Lors de la sortie du film à son sujet (I'm your man), on m'avait suggéré de le regarder en précisant que je devrais trouver ça intéressant. C'est ce que je fis quelques semaines plus tard et j'ai trouvé ce film vraiment ennuyant...Un peu plus d'un an plus tard, je me morfondais chez moi, admirant les dégâts de ma dernière relation amoureuse, quand un film à la télévision attira mon attention. C'était le film «My favorite game», basé sur le livre du même titre de Cohen, ce livre étant une fiction auto-biographique basée sur la vie de l'auteur. Durant tout le film je n'ai pu me résigner à diminuer mon degré d'attention, captivé totalement par les dialogues, la musique et ce que vivait le personnage principal. Pas juste captivé, je me suis identifié d'une façon quasi-pathologique au personnage principal et aux aux paroles des chansons, que j'en pleurais à la fin. Mais une belle tristesse m'habitait, ce genre de tristesse qui nous habite quand on voit clairement comment on agit et qu'on se rend compte qu'on est pas seul à vivre ces situations.

Précisons que ce n'est pas un grand film; le jeu des acteurs n'est pas super, la direction photo non plus...mais quand même. À la fin du film, j'ignorais complètement ce que je venais de voir...j'ai donc regardé attentivement le générique de la fin, apprenant que c'était basé sur un livre de Leonard Cohen et que c'était sa musique qui accompagnait les images...Le lendemain je suis allé acheter les trois premiers albums de Leonard Cohen, venant d'être réédités à ce moment en une version deluxe, très belle. Je me suis immergé dans sa musique, dans ses textes et j'ai découvert un genre d'âme soeur. J'ai la conviction que cet homme a lutté, et lutte surement encore, avec des démons similaires aux miens, teintés de femmes, d'amour et de quête spirituelle.

Rapidement j'ai tenté de faire des liens, des corrélations entre mes mouvements créatifs et ceux de M. Cohen. Plusieurs lectures m'ont amené à redéfinir, ou a préciser ma perception de l'art et des artistes. Un livre en particulier m'a lancé sur une piste enrichissante, un livre du psychanalyste Jean-Michel Quinodoz traitant des rêves. Effectivement, mes textes les plus récents traitent beaucoup d'images et d'idées que j'ai eu en rêve et qui m'ont poussé à agir dans certaines directions. Cet auteur mentionne que l'art, comme le rêve, a une fonction de réparation symbolique. Que l'artiste (véritable, selon l'auteur) , quand il est au prise avec une position dépressive avec le vécu d'être séparé et seul et avec la perception de la différenciation et de la perte, met en jeu cette fonction de réparation. L'inconscient est impliqué dans la recherche d'une solution à un conflit.

Ce qui m'emmène à parler de deux sources de création, soit la personnalité (conscient) et l'essence (l'inconscient). Trop d'artistes actuels créent à partir de leur personnalité et ne donne rien de bon, du moins selon mes goûts personnels. Ceux qui prennent leur source dans leur inconscient sont minoritaires et font généralement des oeuvres qui durent dans le temps, car ils touchent à des thèmes universels. Ok, pas l'amour, les relations hommes-femmes, où autres thèmes pouvant être exploités facilement par la personnalité, mais des thèmes accessibles seulement à ceux qui cherchent des solutions et qui ont cette capacité à baigner entre deux mondes, soit celui du rêve et de la réalité. Et dans ce registre, le travail des femmes est vraiment différent de celui des hommes; où les conflits et les solutions diffèrent dans leurs façons d'être abordés et vécus, et c'est normal. Pas de sexisme la-dedans, on a même pas les mêmes organes à l'intérieur de notre corp, c'est normal que l'intimité de l'être soit aussi un peu différent, du moins dans sa façon d'accéder au conscient...C'est surement pour ça que je «résonne» plus avec l'art masculin.

Voilà donc que cette semaine, je me suis procuré la sortie 28 sur le sublime label Numero Group, intitulé: «Wayfaring Strangers: Lonesome Heroes», faisant un peu suite à la sortie 18 «Wayfaring Strangers: Guitar Soli». Je suis incapable d'arrêter d'écouter ce disque depuis dimanche...Quelle belle compilation. 17 tracks de chanteurs folk obscurs, n'ayant jamais connu de succès commercial, 17 tracks différentes, d'artistes différents, qui pourtant présente une étonnante homogéinité. Ce sont les chansons qui ont été choisies pour cette compilation et non nécessairement les artistes et ces chansons traitent presque tous de l'amour, de la perte, de la recherche du père, la solitude....Ces pièces sont aussi presque toutes tirées de la même époque, soit la fin des années 60 et 70. Les États-Unis sont en plein Vietnam, plusieurs des artistes sur cette compile y sont allés, ont perdus des amis, de la famille, leur santé mentale...D'autres échappent au tirage mais sont affectés quand même par la situation...Mais tous partagent une émotion indéfinissable, un mood de solitude et d'errance se rapprochant beaucoup de Leonard Cohen. D'ailleurs, la pièce de Jay Bolotin «Dear Father» (superbe) fait penser à l'oeuvre de Cohen, dans son style et dans le thème, mais selon les liners notes, c'est plus le fruit d'un hasard. Tous aussi ne connaîtront pas de succès, devront jongler avec un travail à temps plein et leur musique, ou sinon se contenter de peu...il y a quelquechose de révélateur là-dedans, j'ai toujours dit que les meilleurs albums étaient les premiers, à moins de continuer à vivre du «struggle»...

Voilà un disque qui m'inspire à écrire, ça faisait longtemps que j'étais pas tombé sur une perle de ce genre...

Merci

2 commentaires:

  1. Les compilations de chez Numero Group sont toujours à tomber par terre...

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  2. Numero!

    presque toujours su'a coche man!

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