lundi 14 décembre 2009

David Sylvian: Manafon


Je ne suis pas un vieux fan de Japan, ni de glam-rock par ailleurs. Je ne connais pas non plus la discographie abondante de David Sylvian...à vrai dire, je ne suis pas un vrai fan. J'ai découvert Sylvian avec le disque «Blemish», sorti en 2003 sur son propre label Samadhi Sound. Je m'y suis intéressé à cause de la présence de Derek Bailey et Christian Fennesz sur quelques pièces. À cette époque je m'intéressais de plus en plus aux alternatives qu'offraient la musique expérimentale à la chanson traditionelle, comment agencer les mots, varier les intonations, le différentes formes d'écoutes et surtout comment se coller vocalement à des musiciens qui improvisent.

J'ai lu la critique de «Manafon» dans le Wire, superbe pièce écrite d'une main de maître par Ian Penman, qui est probablement mon critique favori dans le Wire, mais trop peu publié ou sollicité. Penman ne se gêne pas pour faire des critiques négatives. En fait, la majorité de ce qu'il écrit est négatif ou très ironique. Il ne se gêne pas non plus pour attaquer des intouchables de la musique...Faut lire la critique négative qu'il a fait du disque de Bonnie Prince Billy «Master and Everyone» et la suite de lettres injurieuses provenant de lecteurs/fans furieux...c'est très divertissant... Ben il s'est permis un peu la même chose avec le nouveau disque de David Sylvian, allant même jusqu'à écrire qu'on serait mieux avec le disque de Polwechsel et John Tilbury intitulé «Field» (sorti presque en même temps sur Hat hut) ...

Faut expliquer: «Manafon» est superbe. La musique est vraiment captivante. Sylvian a fait appel à la crème des musiciens expérimentaux provenant plus des écoles européennes d'improvisation: Burkhard Stangl, Werner Dafeldecker, Michael Moser (tous trois de Polwechsel), John Tilbury, Keith Rowe (de AMM), Evan Parker, Frantz Holtzinger, Fennesz, les japonais Otomo Yoshihide, Toshimaru Nakamura , Tetuzi Akiyama....des géants de la musique expérimentale improvisée. Des géants je vous dit.

Ce que Penman reproche à David Sylvian, et il n'a pas tort, c'est que ce dernier n'a pas su utiliser à leur juste valeur les musiciens invités. Pas dans le sens où la musique est ratée et non inspirée, au contraire, mais plus dans ce que lui, en tant qu'artiste aurait pu parvenir à créer avec ces musiciens. Car effectivement, David Sylvian chante...il chante pas mal même, mais toujours de la même façon avec de légères inflexions ou changements rythmiques. Ce qui donne effectivement l'impression (comme le dit Penman) que les musiciens ont enregistré leurs tracks de leur côté, créant une trame sonore complètement merveilleuse et que Sylvian est juste venu enregistrer son chant par-dessus, une fois que tout était fini. C'est un peu dommage...

Phil Freeman, dans le très bon livre sur le free-jazz «New-York is now», reproche aux rappeurs ayant flirté avec le jazz de ne pas s'être laissé inspiré par le free. Il dit être tanné d'entendre des pièces clichées où un type rappe sur une rythmique en quatre avec des musiciens polis, qu'il rêve du jour où il entendra un rappeur en duo avec saxophoniste s'époumonant... (il n'a jamais entendu l'Ensemble Kesdjan certains shows...). Et c'est un peu le reproche qu'on peut faire à Sylvian...

Qu'y a-t-il de si difficile à s'enfermer dans le studio avec les musiciens, de se laisser inspirer par les petits accidents magnifiques qui sont en train de se produire et d'y contribuer ? Je sais la réponse, pour l'avoir expérimenter et c'est pas évident. Certains vocalistes s'en tirent bien mais c'est vraiment pas la majorité. En tout cas, si Sylvian l'avait tenté, ça nous aurait donné un disque drôlement plus intéressant.

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