mercredi 30 décembre 2009

Réflexions Montréalaises


Ces derniers jours je réfléchis beaucoup à la musique. En particulier la question soulevée lorsque je parlais du japrock et du krautrock, soit de leur naissance dans les débris encore fumant de la deuxième guerre mondiale. Ces deux pays ayant subit une défaite et l'humiliation qui vient avec, devaient se ressaisir et ce n'était pas de façon militaire...

Personne ne contredit aujourd'hui les puissances économiques que représentent l'Allemagne et le Japon,ces deux pays sont chefs de file dans leurs domaines respectifs avec une économie prospère. Suite à la deuxième guerre mondiale, comment ces deux pays ont-ils fait pour se recréer une identité et reprendre leur juste place dans le monde occidental? Si on regarde aujourd'hui la fascination de plusieurs occidentaux pour le Japon ainsi que le magnétisme de Berlin au yeux de la jeunesse hipster mondiale, il faut reconnaître qu'ils ont réussi quelquechose. Et je crois que cette fascination passe par la culture.

Si le japrock et le krautrock sont revenu au goût du jour, au point où on ressort des vieux albums depuis longtemps épuisés, n'ayant pas connu de succès majeur à l'époque de leur sortie, il doit bien y avoir une raison?

J'avance l'idée que la musique expérimentale (où les arts expérimentaux) est un vecteur de culture et ce qui fait grandir une nation...Si on regarde la France d'avant-guerre, de nombreux artistes allaient faire leurs marques, on peut penser à Pierre Shaeffer ou Pierre Henry, entres autres, plaçant la France à l'avant-garde de la culture et étant regardée avec intérêt par les autres pays. Mais depuis...

Suite à guerre il m'apparaît que ce sont les États-unis et l'Angleterre qui ont repris le flambeau; exode des artistes et penseurs dans ces pays aidant. Et puis ensuite, le Japon et l'Allemagne, où l'avant-garde à pris un peu le maquis et s'est constituée en marge des réseaux institutionnalisés. Depuis les années 60 les choses ont changé, évidemment.

Avec le recul je me demande ce qu'on dira de Montréal. Dans 40-50 ans, comment sera perçu et expliqué l'éclosion de la musique expérimentale à montréal à la fin des années 90. Quels facteurs seront isolés pour expliquer l'affluence d'artistes anglophones du Canada et des États-Unis à Montréal, venu créer de la musique pop d'avant-garde? Bon entendons nous, j'utilise avant-garde au sens «dilué» du terme et ne considère pas les démarches des gens comme Patrick Watson comme étant radicale, néanmoins ils osent prendre des risques. On va dire que les loyers ne sont pas chers, l'ambiance cosmopolite, les lieux de diffusion...mais est-ce tout? C'est sûr que Montréal est unique mais plein d'autres villes semblent aussi accueillantes.

Et puis la musique francophone? Les groupes qui ont fait de Montréal ce qu'elle est sont principalement anglophones (ou au mieux, bilingues). L'exemple principal qui me vient est sans contredit le groupe Godspeed you Black Emperor, qui sont les principaux artisans de cette reconnaissance culturelle que bénéficie Montréal. En étant plus populaires en europe qu'ici, en ouvrant des lieux de diffusions marginaux, ils ont pris les rennes de la scène expériementale et l'ont mené aussi loin qu'ils ont pu. Au tournant des années 2000, ce sont le groupes comme Malajube, Gatineau, Pas Chic Chic... qui ont pris les devants de la musique francophone québecoise, de la jeune musique francophone, osant incorporer à leur musique des éléments plus «weird» leur donnant un intérêt international que peu de groupes bénéficie.

Je me demande s'il n'y a pas un lien avec l'échec référendaire de 80...Car c'est cette jeunesse francophone qui aujourd'hui produit cette musique. Cette jeunesse issue des années 80. Si la défaite de la deuxième guerre mondiale a crée chez la génération d'après-guerre un envie de créer, de briser des barrières, peut-on faire le rapprochement avec le référendum de 80? Bon ce n'est pas une guerre mondiale, mais le Québec est comme un microsystème, un mini pays où tout prend une ampleur exagérée.

Parceque la musique expérimentale voyage, plus même que la musique pop en français. La musique expérimentale ne connaît pas les barrières de la langue, on peut créer dans une langue inventée si on veut.

Est-ce donc l'avenir pour le Québec francophone? Diffuser le français à travers la musique, rendre le français et la culture québécoise attrayante pour les autres? C'est un peu ce qui arrive; est-ce seulement moi où je croise de plus en plus de jeunes canadiens venus en immersion francophone à Montréal? Au lieu de miser sur une séparation physique, serait-ce possible au contraire de rendre le français plus intéressant pour le reste du Canada, pour cette jeunesse ouverte sur le monde qui semble prête à le faire? Je regarde autour de moi et considère les expériences vécues: mon ami Scott, à Montréal depuis plusieurs années déjà, ne parle toujours pas français mais en ressent une certaine culpabilité...c'est intéressant, car surement que cette culpabilité il ne voudra pas la faire vivre à ses enfants. Ira Lee, à Montréal depuis un peu plus qu'un an je crois, parle déjà très bien le français (ben pour quelque'un que ça fait un an qu'il est ici). En tournée en France, Thesis Sahib et Fritz the Cat, ontariens, se mordant les doigts de ne pas comprendre et parler le français tandisqu'ils avaient la possibilité de l'apprendre au Canada...

Et il y a plein d'exemples du genre. Donc, en créant une musique intéressante, d'avant-garde et en français, on peut déjà commencer à rendre la langue plus intéressante pour les autres. Pourquoi en écoutant Mattr je me dis que j'aimerais parler suisse-allemand? en écoutant Kan Mikami parler japonais? Parceque la musique me touche et transcende les genres...ça aussi c'est important. Du rock, il y en a dans toutes les langues/pays mais du rock expérimentale, avant-gardiste...un peu moins.

4 commentaires:

  1. hmmmm... Pierre Henry et Shaeffer n'ont vraiment commencé à être reconnue et réellement actif qu'aprés la guerre. À mon avis ils représentent justement la tendance de la musique expérimentale d'aprés-guerre. D'aileurs je pense qu'ils représentes d'une certaine manière une réaction de cette génération à la guerre, le passé, la collaboration... cette volotonté de faire table rase dont la France n'a pas été exclue. D'ailleurs tout le mouvement de la musique concréte (typiquement français) ne peut être balayé d'un rever de la main. Que faire de l'oeuvre de Bernard Parmegianni (voir le boxset sortit cette année...) dont l'influence n'est pas négligeabe. D'ailleurs toute l'équipe du GRM à eu une assez grande influence sur toute la musique électronique de la deuxième partie du XXème siècle. Il y eu aussi des artistes étrangers mais dont la carrières s'est dévellopées en France comme Xenakis. De nombreux musicien de Free Jazz américains qui s'y sont réfugiés et desfois y sont restés. Il y avait aussi ceux qui essayait de repenser la chanson : les Jacques Berrocal, Gerard Manset, Brigitte Fontaine et Areski, Higelin.

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  2. Peut-être que je me trompe (en fait surement) mais ce que je m'explique difficilement est pourquoi après la guerre la France a perdu son statut de phare culturel? Pourquoi les gens se sont désintéressé du français? Je suis conscient qu'il y a une ouverture à l'avant-garde chez le public français, mais les artisans sont drôlement méconnus et peu nombreux...Une chance que tu apportes du jus à mon moulin car ta culture musicale française est nettement plus complète que la mienne ...Berrocal, Fontaine et Areski...c'est pas beaucoup de gens...je ne connais pas Manset ni Parmegianni (je vais m'informer)...mais la question est: y a-t-il quelquechose dans l'échec, la défaite qui pousserait à la création avant-gardiste? Je suis tenté de répondre oui.

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  3. il y a plusieurs livres qe tu peux te procurer à cet effet.

    t'as qu'à faire une petite recherche sur la musique concrète francaise.

    rapidement tu y trouveras les ramifications allemandes et japonaises

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  4. En fait, je suis assez d'accord avec ton point, Khyro... c'est juste que j'aime ça casser les parties (si si, j'te jure ;-) et les hypothèses, les faire vaciller. Mais, en tout et pour tout je suis bien d'accord avec ton analyse. La France à arrêter d'être un phare aprés la seconde guerre mondiale. D'ailleurs, on pourrait même étendre le concept un peu plus. La seconde guerre mondiale est la défaite, politique, économique et culturelle de l'Europe. C'est l'arrivé au point culminant de la toute-puissance des États-Unis (et de la Russie mais ça n'a pas duré).

    Par rapport à ta réflexion sur l'influence de la culture des vaincus, je ne sais pas ce que j'en pense... c'est une thése de Doctorat en perspective, j'ai jamais vue le sujet abordé par personne.

    Il serait intéressant de le relier à la déchéance de l'influence culturelle française (musicale en fait parce que l'aprés-guerre c'est l'âge d'or du cinéma français à mon avis et du nouveau romans, etc...). Dans la guerre, pour moi, la France est un pays vaincus, occupé, collaborationniste. La résistance est un fait non-négligeable, mais sa mythification sent trop le paliatif à la mauvaise conscience. Une sorte de réponse à l'horreure du vide de n'être ni un vainceur, ni un vaincus, à peine un acteur face au cauchemar moderniste paroxistique que fut le nazisme. Au niveau politique, c'est ici une différence entre les "vrais" vaincus crucifiés et martyrisés (l'Allemagne, le Japon et l'Italie et les faux vaincus: déguisé en vainqueur comme la France, au statut incertains (Autriche)... il y a aussi l'Espagne qui encore un autre problème que je connais mal.

    Un point commun entre l'Allemagne et le Japon qu'il faudrait peut-être explorer:

    En schématisant à trés gros trait, dans les deux cas on a à faire à la décadence d'un système socio-politique.

    À ce sujet je te re-recommande de voir "The Sun" de Sokurov... une sorte de "Untergang" hypnotique version Japonaise.

    Sinon, pour en revenir aux moutons de ce blog... la musique, Il faut définitivement que tu check Parmegiani... c'est vraiment superbe, je sais pas si t'aimeras, c'est un peu le pendant masculin français de Delya Derbyshire.

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