lundi 1 mars 2010

Gérard Manset: «La mort d'Orion» ( Pathé Zenon, 1970, réédition World Psychedelia 2007)


Beaucoup d'opéra-rock ont connu un succès retentissant dans les années soixante-dix. On pense facilement à «Tommy» de The Who, «Jesus Christ Superstar», «Hair», etc... Naturellement, tous ne connaissent pas un succès instantané, sort qui est habituellement réservé à toute oeuvre d'avant-garde, soit de pourrir dans l'ombre avant de donner naissance à des champignons hallucinogènes et libérer leurs spores dans la société, intoxiquant toutes les sphères de création. Mais je m'éloigne...

«La Mort d'Orion» est donc une oeuvre construite sur le format opéra-rock, soit une histoire qui se décline en chansons. Plusieurs actes nous transportent au coeur d'un récit qui connaît un début et une fin. Tout au long de l'histoire, les ambiances changent et les narrateurs aussi, permettant des changements assez drastiques entre les mouvements. Sincèrement, ce n'est pas un genre musical qui capte mon attention. Mais c'était sans compter sur ce disque de Gérard Manset.

Tout d'abord, précisons que Gérard Manset est un artiste atypique, qui a connu un certain succès dans les années 70 et qui continue de créer sous plusieurs formes; écriture, peinture, musique, photographie... Il aurait par ailleurs aussi écrit plusieurs chansons pour des interprètes français et québécois. Une chose qui le caractérise est qu'il n'a jamais fait de spectacle, ni fait ouvertement la promotion pour sa musique. Il dit trouver cela ridicule et impudique de chanter devant un public. D'emblée, j'aime même sans avoir écouté sa musique. Le disque «La Mort d'Orion» est celui qui a contribué le plus à son succès , se vendant à près de 20 000 exemplaires. On dira que 20 000 c'est pas énorme, mais pour une oeuvre aussi particulière, c'est tout un exploit.

Ce disque est d'une étrange beauté, difficilement qualifiable. Nous sommes en territoire résolument du type «chanson française», avec des arrangements parfois pompeux de cordes et du chant rappelant vaguement Francis Cabrel. Mais une aura expérimentale plane au-dessus de cet ensemble et se matérialise en une poésie parfois tellement surréaliste et macabre, parfois en des arrangement de sitare intoxiqués aux amphétamines, parfois des effets de studio impromptus sur les voix, parfois avec des chants rappelant vaguement Ghédalia Tazartès... Parfois, car effectivement l'expérimentation n'imprègne pas tous les mouvements de la pièce, il y a des moments très orthodoxe voix /piano/ violon, qui rendent le produit quand même assez accessible.

D'autres chansons suivent «La mort d'Orion», qui compose la moitié du disque. L'autre moitié est toute aussi étrange mais avec des changements un peu moins brusques. La poésie est encore aussi particulière, parfois un peu simpliste mais cela ajoute au charme de l'oeuvre. Il y a tellement de paroles qu'on pourrait citer sur ce disque et tellement de moments particuliers qui suscitent notre interrogation... Vraiment un belle oeuvre, son écoute est marquante.

8 commentaires:

  1. Manset a en effet composé pr un nb impressionnant d'interprête:Bashung pour ses meilleurs titres du dernier album, et tout dernièrement pour une revenante Buzy. Du côté du canada, il a travaillé avec Leveillée, et notamment fait un disque pour enfants.voici ses collaborations: http://www.pressibus.org/manset/disques/acote.html

    La collaboration dont on parle souvent a été un échec: c'était avec jean-louis Murat. On ne sait pas trop s'il y a eu réellement une session ou juste une rencontre
    Pierrot de surjeanlouismurat@over-blog.fr

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  2. Merci pour les infos. Très apprécié.

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  3. C'est beau. Étrange, terrifiant, naïf et beau. Merci pour la découverte.

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  4. C'est incontestablement l'un des albums français les plus fascinants de l'époque (avec les oeuvres de Dashiell Hedayat-Melmoth, etc...) et je suis étonné que personne ne semble se soucier du fond, du texte... Alors oui, on pourrait écrire des pages sur la composition et la technique, mais en ce qui me concerne, c'est bien plus le texte, le récit qui me trouble et m'émeut.
    J'ai tenté d'établir un lien avec le mythe d'Orion, mais ce n'est pas très concluant.
    Quelques références platoniciennes, et encore. C'est la légende contée d'un futur antérieur: "la nébuleuse noire dont voici 10000 ans fut l'histoire", celle "d'un peuple solitaire qui, il y a tant de siècles fânés avait délaissé la Terre et ses vestiges et voulut en revoir la tige". Nous sommes en plein "science-fiction antique". Du moins, c'est mon humble sentiment.
    Je ne puis m'empêcher de noter la proximité de tout ceci avec certains chapitres du "Matin des Magiciens", de Pauwels et Bergier (oeuvre que je vous recommande de lire absolument, par ailleurs).
    A vrai dire, je me plais parfois à prendre cet album pour véritable récit des origines, genèse poétique, astrale, pareille aux mythes fondateurs dits "archaïques".
    Enfin bon, voilà, je suis content d'avoir pu m'exprimer sur le sujet. Ce n'est pas tous les jours qu'on a l'occasion de parler de La Mort d'Orion, et c'est un album qui m'est si cher que j'ai pas mal hésité à laisser ce commentaire...
    D'ailleurs, je serais comblé si quelqu'un se sentait de partager son sentiment à l'égard de ce que j'ai écrit!

    "Où l’Horizon prend fin, où l’œil jamais de l’homme n’apaisera sa faim, au seuil enfin de l’Univers, sur cet autre revers trouant le ciel de nuit, d’encre et d’ennui profond, se font et se défont les Astres."
    Waow.

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  5. Bonjour, le hasard (enfin, je ne crois pas vraiment au hasard...) me mène ici. Je ne connais pas bien Manset mais j'ai toujours entendu du bien sur lui et sa poésie. Moi-même chanteuse, je promène souvent mes yeux et mes oreilles au fil des blogs pour découvrir des choses. Et là, je tombe sur un titre "La mort d'Orion", d'emblée les mots m'attirent ayant moi-même une fascination pour cette constellation. Et là, je lis les commentaires et je tombe sur un autre titre : "Le matin des magiciens" que je suis en train de lire!!! Et qui me fascine tout autant!! Alors par pur enthousiasme, j'écris ce commentaire pour dire merci : je vais écouter l'album, et je vais continuer le livre, tout ça en pensant à vous, conseillers inconnus. Merci et à bientôt.

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  6. Alifair, le hasard pourrait être invoqué quant à ce que tu as relaté dans ton message.
    En réaliste fantastique convaincu, je ne puis que dire que ce n'est pas une coïncidence, que d'ailleurs la coïncidence est une fiction. Je prends ton témoignage comme un signe évident du partage psychique, de la communication extra-consciente des intellects: en rédigeant mon commentaire, j'étais à des lieues de penser qu'il soit possible que quelqu'un tombe dessus alors qu'il découvrait ces deux oeuvres simultanément! Et pourtant voilà que tu atterrissais par hasard sur cette page...
    En espérant que te soit révélé le lien entre La Mort d'Orion et le Matin des Magiciens...
    Bien à toi,
    A

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  7. Orion , est en fait une oeuvre mystique ..l'acte religieux y est omniprésent au travers des textes au paradoxe certain ...le titre "élégie funébre" conclu cet 'album concept...ce dernier titre touche au plus profond de l'âme humaine , tout comme l'ensemble ...mais je dissocie certains titres d'autres , je veux dire en cela que si Manset maitrise certaines parties de cette oeuvre magistrale à bien des égards , d'autres lui échappent totalement ..se sont celles du divin qui traversaient sont âme au moment de sa création ...c'est sur ce travail divin que nous sommes tous en contemplation 40 années plus tard , c'est ce mélange , cette rencontre cette osmose d'humanité et de divinité que nous sommes interpellés ...et j'avance même que dans un siécle nous y serons encore ..certaines parties de son oeuvre sont datéés , mystico façon années 60/70 , les pistes de nazca , aliens et cie ...mais celles qui nous touchent le plus sont là en filigrane au travers des textes et touchent à l'archétype de l'âme humaine ...oui Manset fût en son temps un prophéte des temps modernes , respectons ces choix , et continuons notre exegése .

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  8. Je suis un "manséen"' de la première et je "tombe" avec grand bonheur sur cette belle critique de "la Mort d'Orion". C'est LE disque mythique que l'on écoutait quand j'étais gamin, dans le salon feutré de la maison d'un copain; presque religieusement... Le genre de disque qui vous marque à jamais et que l'on ne retrouve plus aujourd'hui, tant la production artistique devient formatée et 100% commerciale. Même si comme tous ses "fans" je regretterai toujours de ne pas l'avoir vu en concert, ne serait-ce qu'une fois; je remercie Manset d'avoir tenu bon dans son attitude de refus de la surmédiatisation. C'est gâce à cela que son oeuvre est intemporelle. A quand le prochain album ?
    Cordialement
    Aralf
    http://les-jardins-d-aralf.over-blog.fr/

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