mardi 14 septembre 2010

James Blackshaw: "All is Falling" (Young god Records, 2010)





Tout est en train de s'écrouler. Lucrèce, dans De Natura Rerum, parlait du clinamen des atomes, c'est-à-dire des variations altérant leur chute dans l'abysse, permettant au monde sensible d'exister.

Si on doit tomber pour exister, j'ai rarement aussi exister que ces derniers mois.

Cependant, dans la chute on cherche des repères auxquels s'accrocher, des points d'ancrage qui permettront de nous retenir si jamais la prise commence à glisser.

Quand je parle de ces disques qui remplissent cette fonction de trame sonore de nos vies, le dernier disque de James Blackshaw en est un. C'est aussi un disque qui me permet d'écrire et de m'accrocher à quelque chose, à cette insaisissable émotion qui me rappelle à ma vulnérabilité, à cette qualité d'humain.

Blackshaw nous sert une oeuvre solennelle, empreinte d'émotions et de beauté afin que s'ouvre cette scène de l'imaginaire sur laquelle se déroule la trame parallèle de nos vies. Mais quand les acteurs sont en place, on ne sait jamais quels sont leurs rôles véritables.

Ce disque se veut un point culminant du parcours de ce musicien atypique. "The Glass Bead Game" paru l'année dernière m'avait laissé un peu sur ma faim et ne paraissait pas totalement achevé. Sur "All is Falling", Blackshaw est accompagné de Charlotte Glasson au violon, flûte, saxophone alto et glockenspiel, Fran Bury au violon et voix et Daniel Madav au violoncelle. La charge émotionnelle que d'habitude suscite les cordes est au rendez-vous . Blackshaw quant à lui s'arme d'une guitare électrique à douze cordes, joue beaucoup de piano, du glockenspiel, des percussions et un peu de voix également. Un disque très lyrique aux mélodies captivantes et aux répétitions bien entretenues. Ses références aux compositeurs minimalistes sont beaucoup plus assumées que sur son album précédent. Ses compositions sont limpides, et superbement achevée.

Les morceaux formant ce disque sont sans titres, ils sont seulement chiffrés de 1 à 8. Une longue pièce en huit mouvements aux enchaînements sans heurts. En fait, les seuls morceaux se terminant par des silences ou des coupures musicales sont les parties 1, 6 ,7 et 8, la pièce finale. La dernière pièces permet au compositeur de sortir un peu du cadre référentiel auquel il nous habitué à la guitare et au piano en explorant plus les tonalités des drones. Les glissandos de la partie 7 peuvent à cet effet être perçus comme une sirène d'alarme nous invitant à prêter l'oreille à ce qui s'ensuit.



La partie 6 a particulièrement capté mon attention. C'est uniquement sur cette pièce que se font entendre les voix de Blackshaw et Bury. Ceux-ci ne chantent pas, ils comptent la rythmique la pièce. En fait Bury compte les 1-2-3-4 et Blackshaw ponctue une autre rythmique sur laquelle les percussions viennent appuyer la guitare. Quiconque ayant une expérience des mouvements sacrés de Gurdjieff sentira une certaine familiarité avec cette façon de compter, rappelant le compte rythmique de certains mouvements lorsqu'ils sont pratiqués sans la musique. Mais peut-être est-ce moi qui ressent trop le besoin de m'accrocher à quelque chose...


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