mercredi 18 août 2010

Aceyalone : "A Book of Human Language" (Project Blowed, 1998)


Je me fait souvent demander quels sont les disques de rap qui m'ont le plus marqué. Je suis toujours très embêté de répondre à cette question car on dirait que ça s'est passé par étapes. Donc, certains disques ont marqué certaines étapes de ma vie et de ma démarche musical. Material Intonarumori, Wu-Tang "Enter the 36 chambers", Mobb Deep "The Infamous", Company Flow "Funcrusher Plus", Swollen Members "Balance".... Et la liste s'allonge encore de plusieurs titres... Des albums qui m'ont accompagnés dans des moments forts de am vie, où je ne prêtais pas nécessairement attention à la réalisation ou l'agilité lyricale des rappeurs.

Cependant, l'album qui vient constamment en tête de liste n'est pas celui qui a laissé la plus grande empreinte émotive. C'est un disque que j'ai découvert assez tard (99-2000), mais qui a profondément marqué ma vision du rap et de la musique. Je réalise de plus en plus que je ne suis pas le seul qui a été marqué par ce chef d'oeuvre. Partout à travers le monde, je vois cet album se faire mentionner comme étant un des plus grand disque de rap jamais fait. Je parle ici de l'album du rappeur californien Aceyalone "A Book Of Human Language".



Aceyalone s'est fait connaître à Los Angeles par les sessions de micro ouvert de The Good Life Cafe et Project Blowed. Le documentaire "Freestyle: The Art of Rhyme" retrace bien cette épopée du début des années 90.



C'est à cette époque que se forme le groupe Freestyle Fellowship, un des plus grand groupe de la côte ouest à mon avis. Formé de Aceyalone, mais aussi de Mykah 9, P.E.A.C.E. et Self Jupiter. À eux seuls, ce quatuor ont redéfini la scène Hip-Hop undergound de Los Angeles. Ils ont fait paraître quelques albums dans la première moitié des années 90 mais je n'ai jamais vraiment accroché. Aceyalone et surtout son acolyte Mykah 9 ont redéfini les notions de "flow" et ont emmené le rap à sortir d'une zone de confort artistique. On dit aussi que Mykah 9 est le premier à avoir rappé en "double-time" sur un beat.





(man je pourrais faire une entrée entière sur Mykah 9...)

Fier de cette origine mythique, Aceyalone a tenté rapidement l'aventure solo et en 95, il fait paraître "All Balls Don't Bounce". Disque que je dois avouer n'avoir jamais écouté... J'ai été trop pris par son successeur, le fameux "A Book of Human Language". Pour ce disque, Acey a fait appel à un producteur très peu connu de la scène Hip-Hop, un certain Mumbles. Issu d'une famille de musiciens de jazz, Mumbles, après avoir complété cet album, s'est tourné vers la pratique spirituelle en embrassant une branche de l'hindouisme. Quand on réalise avoir une telle oeuvre, cela ne m'apparaît pas comme déplacé, mais bien comme étant la seule issue possible s'il ne souhaitait pas finir comme Aceyalone et jamais ne pouvoir remonter au niveau atteint par cet album. Les beats, sont riches et variés, très différent des beats hip-hop de l'époque et c'est une des critiques qui a été faite à ce disque. Je me souviens quand j'ai découvert ce disque, je l'écoutais dans l'auto de ma mère et Rass et l'Intrus de mon groupe Traumaturges, avaient eu la même réaction : " Yo, c'est pas du rap, ça!" Commentaire qui a l'époque avait contribué à marquer une scission définitive au niveau artistique avec une partie de mon groupe. J'étais convaincu de tenir dans mes mains un chef d'oeuvre de Hip-Hop et me faire dire que ce n'en était pas, n'était tout simplement pas concevable. Je me rappelle même que j'étais en train d'écouter cette chanson:



Encore aujourd'hui j'ai de la misère à identifier un rappeur capable de "flower" autant sur un beat, surtout sur celui-ci en particulier. C'est un des meilleurs exemples de comment "rider" un beat.

Mais le véritable tour de force de ce disque, selon moi, réside dans les paroles d'Aceyalone et la structure du disque. Construit comme un livre avec des chapitres, il y a une incroyable cohésion entre les pièces, où bien les thématiques se suivent d'une façon logique, les paroles se référent à d'autres "chapitres" du disque. Une cohésion tellement logique et solide que je ne crois pas que l'exploit ait été reproduit dans le monde du Hip-Hop depuis. On voit bien que Aceyalone avait une idée directrice en tête et qu'il l'a suivi jusqu'au bout. Je peux difficilement m'imaginer le degré de réflexion qu'il lui a fallu pour écrire ces textes. Car chaque texte aborde un aspect de l'être humain, de son intégration dans le Langage et de sa survie. sur les vingt pièces composant cet album, il n'y a pas de moments faibles, certains morceaux marquent plus que d'autres, mais tous sont pertinents et contribuent à la cohésion de l'oeuvre. La lucidité de son propos est tout aussi remarquable.



Je me souviens d'avoir attendu impatiemment la suite de ce disque, de me tenir à l'affut de ce qui sortait chez Project Blowed et Nu Gruv Alliance. J'ai découvert des bons trucs et finalement est sorti le disque "Accepted Eclectic" en 2001... et la déception fut grande, à un point tel que je lui en voulait presque de ne pas avoir été à la hauteur de mes attentes. Mais avec le recul je comprends qu'il est extrêmement difficile de réaliser un tel tour de force.

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