jeudi 28 juillet 2011

Shabazz Palaces: "Black Up" (Sub Pop, 2011)


Il y a déjà quelques mois que le nom de Shabazz Palaces circule sur les internets. Même le Wire a fait une entrevue avec Ishmael Butler aka Palaceer Lazaro, l'homme derrière le projet. Butler s'est fait connaître dans les années 90 sous le pseudonyme Butterfly, en tant que rappeur au sein du trio Digable Planets. Suite à l'arrêt de DP, l'homme s'est fait discret pour mieux revenir. Repenser son approche, faire des spectacles masqués (à la MF Doom), construire une mystique autour du projet et s'entourer de collaborateurs intéréssants entres autres, le percussioniste/rappeur Tendai Maraire et le duo féminin THEESatisfaction (à découvrir).

Car de nom, Shabazz Palaces fait directement référence à une mystique empruntée ouvertement à la mythologie du Nation of Islam. Shabazz est un personnage mythique, scientifique, guide d'une tribu royale qui a émigré en Afrique plus de 4000 ans avant notre ère. 13ème et unique tribu ayant survécu au cataclysme, toutes les nations descendent de la tribu de Shabazz. Ce nom fut aussi celui adopté par Malcolm X ainsi que par les membres de sa famille, il s'appropriait une descendance directe de la lignée de Shabazz:Malcolm Little aka El-Hajj Malik El-Shabazz aka Malcolm X. Une histoire de nom donc, d'héritage et de descendance.

Ainsi, les palais de Shabazz sont-ils les restes d'une légende, cachés sur des territoires isolés, que seul l'explorateur aguerri saura retrouver? Ou est-ce le fruit d'un travail de topologie, nécessaire pour situer une négritude afro-américaine dans l'inconscient du principal intéressé? Peut-être. On sait cependant que la feuille de route d'Ishmael Butler est longue. Que grâce à celle-ci, il amène ce que tous ces nouveaux rappeurs modernes n'ont pas: de la crédibilité. Voici un homme qui s'est voué corps et âme au Hip-Hop, s'est fait l'ardent défenseur d'un Hip-Hop conscient, apôtre de la non-violence et d'un éveil spirituel. Il revient maintenant au commande d'un projet Hip-Hop afro-futuriste solidement ancré dans ses racines. Et son discours reste sensiblement le même qu'à l'époque de Digable Planets; la libération intérieure des chaînes de l'égo, l'élévation, la découverte de soi, l'honnêteté et la transparence.



J'avais été très impressionné par les deux ep's de Shabazz Palaces sortis cet hiver, disponibles uniquement sur leur site internet. Les écussons arabisants servant de d'ornements aux pochettes se voulant une autre référence directe au Nation of Islam. Deux excellents albums de rap qui se complétaient et mettaient la barre haute pour un album complet. Mais Butler et ses compères ont su relever le défi en poussant l'enveloppe de la recherche musicale. C'était calculé, la réflexion et l'esthétique derrière «Black Up» semblent beaucoup plus mûres. De plus, Shabazz Palaces ont du soul, du vrai. Ils infusent de l'âme à leur musique avec des sonorités chaleureuses et une recherche musicale poussant vers l'originalité.




La principale qualité de l'album "Black Up" est son assise dans la culture afro-américaine. Shabazz Palaces parviennent à intégrer dans leur musique une multitude d'influences, surtout puisées dans les musiques dites noires; soul, jazz, rnb, rap et s'en servent comme moyen de transport pour sortir de notre système solaire. Bien souvent on rencontre des références lexicales sur l'espace, le cosmos, le voyage. On y voit rapidement un Sun Ra Arkestra des temps modernes. Cette constatation m'a d'ailleurs permis de me remémorer comment j'ai jalousé l'autre rappeur de Digable Planets, Cee-Knowledge, lorsqu'il a sorti en 2002 un single avec le Sun Ra Arkestra.



ALors que celui-ci restait dans l'idiome jazz/rap, Shabazz Palaces va plus loin et multiplie les références à ses racines africaines. Reste à voir jusqu'où ils vont aller, et si, à l'instar du Hip-Hop, ils ne vont pas finir par se scléroser dans une façon de faire.

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