mercredi 21 avril 2010
Payz Play: Je me souviens
Payz Play : Chronique d'une mort annoncée
J'ai hésité longuement avant d'écrire sur la mort de Payz Play. Premièrement, car plusieurs ont déjà souligné l'évènement et deuxièmement en raison de ma proximité avec le groupe.
Pour ceux qui l'ignorent encore, Payz Play est né de l'écroulement d'Atach Tatuq. En fait, non. Payz Play existait bien avant, sous la forme de Son 2PT, le duo lyrical de RU et Égypto-Boz sur l'album «Suce mon Index» de Traumaturges. Et peut-être même avant, inconsciemment, quand RU a été introduit à Traumaturges, du fait qu'il jouait du drum dans un band avec Naes quand ils avaient 14 ans...Ceux-ci ont continué les collaborations et maintenu le nom Son 2PT durant quelques années, jusqu'à ce que la fin imminente d'Atach Tatuq se fasse sentir. C'est alors qu'ils sont passé en mode renaissance; trouver un nouveau nom accrocheur et capitaliser sur la nouvelle direction artistique prise par ToastDawg/Naes au niveau des beats. L'ajout de Ephiks au groupe s'est faite naturellement, mais je ne crois pas que sa présence était déterminante pour la genèse groupe. Il a sans aucun doute influencé le son de Payz Play mais pas sa création. Je me souviens quand Naes m'a fait écouter les premières maquettes de Payz Play, je n'ai pas caché le fait que je n'aimais pas ça. Il va sans dire que mon opinion a crée un petit froid mais on a pu rapidement passer par-dessus. Car ça c'est peut-être un problème. Le fait que ce sont des amis qui font de la musique, n'est pas nécessairement garant de mon appréciation de cette musique. Ce consensus du goût arrive seulement dans des groupes d'amis un peu trop tricoté serré, où l'esprit critique disparaît.
Ainsi, je n'ai pas apprécié. J'ai aimé les beats mais les paroles humoristiques, ironiques/sarcastiques, m'ont immédiatement rebutées. Je me répète, mais quand j'écoute du rap, j'aime écouter des paroles sensées, intelligentes, profondes et là... ce n'était pas ma tasse de thé. Je crois que ce qui m'a fâché le plus, est le fait que ceux qui chantaient ces paroles, étaient des gars avec qui j'ai grandi musicalement et qui avaient toujours fait une musique que j'appréciais. Ce n'était plus le cas maintenant. J'ai critiqué sévèrement cette direction artistique, la jugeant un peu trop opportuniste. C'est difficile pour des amis d'avoir à s'exprimer de cette façon. Trop souvent on considère notre pratique artistique comme étant une part intime de notre être et ne pas avoir le support de nos amis ou leur appréciation, peut remettre en jeu cette notion même d'amitié. C'est peut-être ce qui s'est produit .... car malgré les sentiments positifs que j'entretiens avec les membres de Payz Play, la vie a fait en sorte que nos liens se sont malgré tout éffilochés...
Maintenant que Payz Play est mort, je me permet une sortie en règle, en réponse à l'article d'Égypto pour Nomag en lien plus haut, seulement en réponse à cet article.
Cher Égypto,
Quand nous nous sommes rencontrés, il y a près de quinze ans, je n'aurais jamais cru que nous allions prendre part ensemble à cette épopée musicale initiée au Cégep. Ni à cette amitié qui nous a mené sur des chemins incroyables. Nous avions tous nos raisons bien personnelles d'embarquer dans ce projet, mais par amour du rap... je ne crois pas. Je sais maintenant qu'il y a des courants plus puissants qui nous traversent, en lien avec l'estime de soi ou juste une pulsion libidinale. Il serait intéressant d'analyser ces premières motivations, juste pour voir comment cela s'est concrétisé aujourd'hui. Tiens je lance un piste; ce n'est pas surprenant de voir la fin du projet arriver au même moment que le début d'un autre projet, soit celui de la paternité.
Ainsi, nous avons démarré un projet musical qui s'est poursuivi bien au-delà de nos espérances, qui ne nous a peut-être pas menés aussi loin que nous le désirions à l'époque, mais quand même... L'expérience Atach Tatuq a été palpitante et nous a permis quand même de se mériter une reconnaissance de la part de l'industrie musicale. Ce que je retiens de plus formateur par contre, sont les 4-5 années d'existence de Traumaturges. En réécoutant cet album aujourd'hui, je me dis qu'on était vraiment en avance sur notre temps. C'est dommage que nous n'ayons pas poursuivi avec ce groupe, car je crois que c'est ce qui nous aurait permis de nous rendre le plus loin. Mais maintenir une vision à cinq; dix paires d'yeux et d'oreilles, avec des aspirations bien différentes, s'est avéré plus difficile qu'on ne le pensait.
Je ne sais pas quelles étaient tes aspirations profondes. Mais en lisant l'article que tu as écrit pour le Nomag, je ne peux que réfléchir sur notre parcours. Le tien, le mien, celui de l'Intrus, Rass... Tu critiques la vente de cd à la baisse, souligne que le cd tel qu'on le connaît tire à sa fin et que vivre de la musique rap au Québec est une utopie que seuls quelques élus parviennent à briser. Tu as probablement raison. En fait tu as raison. Ta conclusion sur l'éventuelle gratuité de votre future musique dans le monde virtuelle vient aussi susciter des questions.
La même semaine que j'ai lu ton article, j'ai reçu une boîte du webzine Foxy Digitalis, pour lequel je fait des critiques musicales. Dans cette boîte il y avait plein de cd's, mais aussi un lot impressionnant de cassettes. Plusieurs de ces cd's sont en fait des cd-r, assemblés à la main, avec un souci de l'esthétique et d'originalité pour l'emballage qui me laisse à chaque fois perplexe. On a pensé que le vinyle était mort et il revient en force, on a tué la cassette et elle renaît dans les milieux plus underground, on prédit la mort du cd, mais il se regénère déjà. Adorno a souligné le caractère fétichiste de la musique, son support matériel en est aussi pour quelquechose. La vente de cd telle qu'on l'a connu est effectivement relayée à une époque révolue. Les mentalités changent, celles des consommateurs, mais aussi celles des artistes. Cependant, je me méfie d'un artiste qui fait de la musique avec comme seul but de pouvoir en vivre. Serait-ce que Payz Play avait cette fonction? Vous avez pris la décision de faire un projet musical dans l'ère du temps afin d'en tirer un profit qui vous aurait permis de faire de la musique à temps plein? Ce serait légitime, mais ô combien ursupateur. Ursupateur car il y a une dénégation du réel, celui du corps traversé par la pulsion créatrice. Dans un tel cas, la seule issue semble bien la mort, car le corps ne vit qu'un certain temps dans cette forme de crédulité auto-suggestionnée. Jusqu'à ce qu'un autre objet vient prendre la place laissée par la béance...j'ai parlé de la paternité... la pulsion elle, reste constante.
Peut-être que c'est ce qui m'attend aussi. Quand finalement je serais prêt à passer à un autre chose, devenir père par exemple. Peut-être que je cesserais une certaine forme de créativité, je ne sais pas. Ce que je sais cependant, c'est que depuis la fin d'Atach Tatuq, je fais de la musique pour mon bon plaisir, sans frein, sans retenue, j'improvise, je crée, comme bon me semble et, étrangement, c'est cette façon de faire qui m'a permis de voyager avec ma musique. Je sors des disques que je n'espère pas vendre, je fais des spectacles auxquels je n'attend personne, je sors même cette semaine une cassette...
Je suis nostalgique, c'est vrai. Je regarde parfois trop vers le passé, c'est vrai aussi. Mais ce faisant je garde en tête notre parcours commun et ne peut qu'être fier d'avoir partagé l'expérience d'Atach Tatuq et de Traumaturges avec toi et les autres. Mon historique d'AT sur ce blog était une apologie d'un passé taché par des conflits stupides. Cette entrée se veut l'apologie d'un futur créatif, libéré de toute forme de contraintes.
Word
Khyro
Certains me l'ont déjà demandé, je met pour vous un lien pour vous procurer le mixtape de DJ Cut Killer avec des artistes québecois.
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En me relisant, je me rends compte que mon opinion est un peu trop unidimensionnelle. J'ai omis de mentionner que les membres de Payz Play restent parmis les artistes les plus créatifs que je connaisse. Qu'à travers Payz Play, a pu se manifester l'ampleur de la vision artistique d'Égypto et RU, la même qui sommeillait dans le ventre de AT. Que leurs spectacles ont toujours été intense car ils maîtrisent superbement l'art de la mise en scène, ce qui me fait atrocement défaut. Et surtout que j'aime véritablement Égypto, RU, Naes et Ephiks (no homo !)
RépondreEffacerLe lien pour la mixtape fonctionne plus, la limite de download gratos a été atteinte... :(
RépondreEffacerHop. ça devrait être ok
RépondreEffacerBeau post. Un peu hard parfois, mais je comprends tout à fait ta vision et te connaissant et connaissant autan la scène que toi, je comprends et trouve que t'as pas mal raison. Au plus fort de Gatineau, en région, y avait jamais ben ben de monde. C'est même pu une question de ''faire du rap au Québec''. C'est plus une question de tenter de ''faire du rap à Montréal''. À Alma, ils s'en crissent ben ! À Joliette, ils s'en crissent ben... Alors...
RépondreEffacerJ'suis comme toi Khyro, j'ai le goût de le faire pour me faire plaisir, pour travailler avec des gens que j'aime au lieu d'en faire une ''carrière''. Tant mieux si les gens buzzent. Mais l'important est d'exprimer des idées, des visions et de sortir le méchant en m'amusant. Anyway, le fun a toujours été dans des petites palces comme le divan ou le Quai et non sur un stage aux francos devant 10 000 personne oü là, il FAUT que tu performes. J'enlève rien aux Francos. Laurent est un chum. C'est un exemple. Oui, vive les cassettes pis le plaisir avant tout. C'est certains que si tu pars pour devenir riche, tu vas être déçu. Mieux vaut le faire pour le fun. Comme ça si tu fais 45$ au lieu de 40$ un soir, tu vas être tout étonné pis tout content au lieu de t'attendre à 1000 $ Ceci dit....
seba