samedi 28 novembre 2009

Jay Bolotin ou Leonard Cohen?


Dans une entrée précédente, j'ai parlé du chanteur folk Jay Bolotin et surtout de sa superbe chanson " Dear Father", sur la compilation Lonesome Strangers du label Numero Group. Voilà donc que les merveilleuses personnes derrière le label Locust ont réédité l'album complet de Jay Bolotin, paru en 1968. D'emblée, la pièce "Dear Father" laissait présager de grandes choses, c'est pourquoi je n'ai pas hésité à commander ce disque direct à Locust. J'avais parlé aussi de la ressemblance "fortuite" avec Leonard Cohen, en ce qui concerne le jeu de guitare, le ton et le thème de cette chanson...

Maintenant, je ne sais pas si cette ressemblance est vraiment "fortuite" (notez les guillemets)... J'ignore la popularité de Leonard Cohen dans les années soixante, si ses chansons connaissaient une diffusion importante ou s'il faisait beaucoup de spectacles...Beaucoup de choses se ressemblent dans la musique et on dirait que les gens sont un peu frisquet à l'idée de le souligner, surtout certain critiques musicaux. Par exemple, je ne comprends pas pourquoi personne n'a souligné l'étrange ressemblance entre la Patère Rose et Coeur de Pirate ? ou encore Coeur de Pirate et Woelv (le projet musical de Geneviève Castrée)? Et les exemples somnt nombreux. Donc, pourquoi le gens de Locust n'ont-ils pas fait le rapprochement entre la musique de Jay Bolotin et celle de Leonard Cohen? Et s'ils l'ont fait, ont-ils eu un malaise à cette idée?

Je comprends pourquoi on a voulu rééditer cet album depuis des années disparu, c'est un très bon disque, un folk intime, épuré avec des chansons qui nous prennent aux tripes...mais tout de même...De plus, Bolotin aurait enregistré ce disque à l'âge de 18 ans !? Je doute que quelqu'un puisse écrire de telles chansons à cet âge sinon en s'inspirant d'un autre écrivain...Avec des thèmes touchant à la mort, la solitude, la paternité, l'amour...à 18 ans?! et traité de la façon dont il le traite...soit c'est quelqu'un avec une incroyable maturité ou sinon quelqu'un qui a une facilité à intégrer des textes/états d'âmes appartenant à d'autres. D'ailleurs, on se rend bien compte qu'il ne fait que se rapprocher de ce qu'il tente de recréer.

L'exemple le plus flagrant est la chanson de Bolotin "You are a women". Super belle chanson mais putain que ça ressemble à "One of us cannot be wrong" (sorti en 1967) de Cohen... Les accords de guitare, la façon de chanter, l'air, certaines intonations de voix...peut-être que j'hallucine aussi...

Je ne veux rien enlever à Bolotin, son disque est très bon, je l'ai écouté plusieurs fois depuis que je l'ai reçu, mais il faut faire attention de ne pas lui donner trop de spotlight pour éviter les poursuites...

Et comme il n'y a pas de mauvaises raisons pour faire jouer du Cohen:

9 commentaires:

  1. J'ai peu entendu Jay Bolotin mais je réponds quand même par principe. Plusieurs artistes ont connu leur double en leur temps. La question que tu soulèves me fait penser à tout ce qu'il y avait autour de Bolan et Bowie, à savoir qui inspirait l'autre, qui prenait à l'autre. Faut pas oublier qu'on est toujours un peu le produit de son époque et ni Cohen ni Bolotin ni échappe. On peut même se demander si ce sont vraiment les humains qui créent ou si ils sont seulement traversés par des courants qui en fait les utilisent, s'en servent comme vortex. Et est-ce que c'est nécessaire de faire une hiérarchie? Si on aime l'un, est-ce qu'on n'aime pas l'autre presque automatiquement?

    Et sur la question de la possibilité d'écrire quelque chose du genre à 18 ans, l'humanité a démontré plus d'une fois que c'était possible. Je ne compare mais je pense à Rimbaud. Des jeunes génies il y en a, des éclairs de génie aussi, reste à savoir si ils s'inscrivent dans le temps.

    Et c'est peut-être là toute la différence entre Bolotin et Cohen, parce que Jay Bolotin, je n'en aurais peut-être pas entendu parler si ce n'était de ton blog.
    Merci (et merci pour le Cohen)

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  2. Une similitude entre Coeur de Pirate et Woelv ?!? mais ça n'a strictement rien à voir si ce n'est une voix féminine avec un accent québécois (il suffit d'écouter les paroles). Dans ce cas Plastic Bertrand et Jacque Brel c'est aussi la même chose...

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  3. @ Louve:
    Je suis très conscient du phénomène de bassin de création, où tous y puisent un peu de leur inspiration. Cependant je ne suis pas jungien...et ne crois pas que les Signifiants sont limités et qu'on les partage tous. Je crois plus à une contamination inconsciente ?

    Ceux qui se font traverser par des courants sont rares...très très rares...mais c'est romantique de penser que ça se produit :)


    @ Tony:

    La similitude entre Coeur de Pirate et Woelv est strictement au niveau de la façon de chanter, petite voix enfantine susurée...les tonalités de voix sont presque semblables (à mes oreilles du moins). Mais c'est vrai que c'est deux choses complètement différente, la musique de Woelv étant nettement supérieure.

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  4. Ah aussi, si je mentionne Coeur de Pirate, c'est que plusieurs soulignaient la particularité de son chant lorsque c'est sorti...
    Et pour Patère Rose, quand je suis dans un magasin de disque et que ça joue, c'est surprenant le nombre de personne qui demande si c'est Coeur de Pirate qui joue...

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  5. Khyro, tu reprends une idée, une question en fait de ma réponse, et tu lui donnes des spécifications qui me sont étrangères. Je ne sais pas ce qui fait que des idées ou des manières d'être soient commune à certaines époques. Peut-être que le socio-culturel nous affecte plus qu'on le pense (d'où une certaine contamination inconsciente)? Je ne sais pas. Mais je suis peut-être effectivement romantique.

    Je parlais plus du fait de comparer des artistes et de vouloir les hiérarchiser. Est-ce vraiment une manière d'apprécier l'art? Tout le monde le fait mais ce n'est pas une raison. Est-ce qu'une création, une musique, peut ultimement se référer à autre chose qu'elle-même? Pour ce qui est de l'originalité d'une démarche, c'est différent. Mais encore, est-ce nécessaire? C'est très important en Occident mais peu en Orient, et je me demande si la recherche d'originalité et de nouveauté ne nous étouffe pas ici parfois...

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  6. Au temps pour moi si la comparaison entre Woelv (maintenant Ô paon) et Coeur de Pirate s'appliquait uniquement à la voix.

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  7. En orient on va se référer beaucoup à la virtuosité, pas nécessairement l'originalité.Ici aussi, plusieurs apprécient la musique ou un musicien en fonction de la virtuosité. Personnellemnt, ce n'est pas mon cas. Donc si ce n'est pas la virtuosité qui m'impressionne, c'est quoi? Je l'ai dit ici; l'émotion qui va être véhiculée et la façon dont ça va me toucher. Aussi, quand j'écoute, je ne m'attarde pas aux détails, mais prend le tout dans un ensemble. Et «ensemble» se réfère aussi à un paquet de variables personelles à moi mais aussi contextualisées par l'artiste.
    Et pour répondre à certaines questions, pour moi rien n'existe par et pour lui-même, tout est prisonnier d'un contexte et, malgré nous, hiérarchisé. D'ailleurs,c'est un peu comme ça que se construisent nos goûts personnels, par rapport à l'art, la nourriture, etc...
    Et en bout de ligne, la musique est une question de goût...

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  8. En fait c'est très intéressant ce que tu dis, parce que les nouvelles approches sociologiques ne parlent plus de classes sociales mais de classes de goût, où les groupes se mêlent et s'interchangent et les frontières sont floues. Par exemple, ton identité sociale est moins définie par ton emploi et ton revenu que par ton appartenance à une culture, des cultures. Tu es rappeur, donc tu es lié à la culture hip-hop, mais tu trippes aussi Leonard Cohen, donc tu vas te lier aussi au monde du folk, mais pas à la crowd hippie. Tu es entre en quelque sorte, et derrière ces goûts, il y a toute une philosophie, une perception, des choix, une culture. Tu me suis? On s'entend que c'est un exemple grossier et réducteur.

    J'ai commencé un article sur le free jazz dans un magazine français de 1966, je n'ai pas tout lu mais les premiers paragraphes m'ont allumé. Le jazz et le free ont été bien reçus en France d'une part parce que cette culture au XXème siècle a voulu placer l'art au-dessus de toute servitude idéologique, l'art pour l'art. Mais l'auteur se demande si cette "gratuité" n'est pas en fait une sorte de censure de l'art qui ne veut pas se "comettre", qui n'ose pas s'engager dans le réel... De belles pistes de réflexion.

    C'est Camus aussi qui pense que la beauté ne peut être comparée, que c'est un exercice qui nous éloigne de son essence. Mais pour en revenir plus précisément à ton article, tu accuses presque Bolotin de plagiat, et je trouve que c'est pousser le pouvoir du goût un peu loin...

    Mais merci pour la discussion!

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  9. Écoutes Bolotin donc, tu m'en diras des nouvelles. Je n'accuse pas, mais souligne de GROSSES GROSSES ressemblances entre les deux artistes, qui sont un peu trop marquée pour les juger fortuites...

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