mardi 6 septembre 2011

Art Fleury: "I luoghi del potere" (1980, réédition Die Schachtel, 2007)


Ayant déjà abordé le sujet du mouvement Rock In Opposition, je ne me perdrais pas en conjonctures. La politisation de la musique m'intéresse de plus en plus ainsi que les groupes qui ont su incarner le politique dans une démarche artistique. Parmi ceux-ci, il faut souligner le groupe italien Art Fleury, qui en plus de militer pour la révolution, ont tenté de créer une révolution musicale à leur échelle. Le groupe a pris naissance au milieu des années 70's et les trois membres étaient affiliés avec un groupe d'extrême gauche radical nommé la Lotta Continua. Ce groupuscule compta parmi ses leaders l'écrivain italien Erri De Luca. À l'instar du RIO, le groupe se plaçait volontairement en marge des réseaux de diffusion traditionnels, prônant une indépendance totale. Même s'ils n'ont jamais adhéré à la famille du Rock In Opposition, Art Fleury ont tout de même partagé la scène avec Henry Cow.


Formé d'Augusto Ferrari (claviers), Maurizio Tomasoni (saxophone soprano, flûte, clarinette) et Giangi Frugoni (guitares, basse), Art Fleury ont tenté de s'opposer à la masse oppressante du capitalisme dans l'art et de libérer leur créativité au travers d'une musique à l'image de leur rêves et aspirations; libre de contraintes, nouvelle, révolutionnaire. Avec leur premier album "I luoghi del potere", ils ont aussi tenté de reprogrammer l'humain dans sa façon d'écouter la musique; en juxtaposant divers éléments sonores et en fracturant de façon abrupte toute tentative d'homogéinité mélodique pouvant mener à endormissement des masses. Un premier album hautement inspiré, mêlant les éléments du rock avec l'électronique, l'improvisation et les collages sonores. Les mélodies sont souvent brisées avant qu'elles ne se déploient dans leur totalité et les changement brusques de registre, souvent à l'intérieur d'une même pièce, incitent l'auditeur à rester sur le qui-vive. Ils proposent rien de moins qu'une nouvelle façon d'écouter la musique...



Naturellement, Art Fleury n'innovent pas dans cette réinvention de la musique. Ils suivent les traces des John Cage et Pierre Schaeffer de ce monde qui ont, pour leur part, vraiment révolutionné la musique et l'écoute. Par contre, ils tentent de faire sortir la musique des lieux de pouvoirs (I luoghi del potere), en particulier celui du système capitaliste régissant l'art et la musique. À la lumière d'une écoute actuelle, je ne saurais dire s'ils y parviennent mais ils ont réussi à créer un disque inventif et unique en son genre.





Il est intéressant de noter que l'Unesco vient tout juste de déclarer comme patrimoine mondial de l'humanité 7 "lieux de pouvoir", répartis dans toute l'Italie, qui sont en fait des lieux historique du culte catholique. On ne sait pas si l'expression "I luoghi del potere" était utilisée en 1980 pour désigner ces sept lieux de culte. Seulement, en nommant leur disque de cette façon, Art Fleury s'attaquent non plus à l'usine, l'école, la ville... mais aussi à la religion de façon directe; institution sociale contrôlante et pré-déterminante par excellence.


Die Schachtel ont fait un superbe travail pour la réédition avec un livret en anglais et en italien. Les illustrations du livret (et la couverture) sont magnifiques et, quoique crées spécialement pour la réédition, fidèles à l'aspect totalitariste de la musique telle qu'envisagée par le groupe. Pour les lecteurs montréalais, la Bouquinerie du Plateau vendent des copies neuves du disque ainsi qu'une bonne partie du catalogue de ce label.

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