vendredi 1 octobre 2010

Masayo Asahara : "Saint Agnes Fountain" (Audiolaceration , 2005)



Tromperie, parade...

C'est sous ces thèmes que se révèle ce disque intrigant et remarquable. Les notes du livret situent l'enregistrement et la composition de cette oeuvre en 1974. Masayo Asahara est alors étudiante à l'université d'Osaka et complète un doctorat portant sur les minimalistes américains tels LaMonte Young et Tony Conrad. Sous l'influence de groupes plus rock comme Faust et Soft Machine, elle décide d'enregistrer une de ses compositions fusionnant la musique minimale et le rock plus progressif.

S'ensuit un des meilleurs disques que j'ai écouté cette année, composé de drones d'orgue parsemé de manipulations sur bandes et augmenté d'une bonne dose de free-jazz. J'ai rarement mis la main sur un disque qui incorporait aussi bien différents genres de musique que j'affectionne. Avis à tous: il est incompréhensible que ce disque ne se soit pas faufilé dans les palmarès de musique obscure des années 70. Incompréhensible car tout simplement sublime.

L'histoire est quand même bien ficelée: seulement quelques copies en "test press", distribuées aux musiciens et amis, et qui finissent par sombrer dans l'oubli. Les musiciens sont nommés sur la pochette, l'histoire contemporaine de Asahara est relatée, une photo d'elle à Stonehenge... D'emblée la table est mis pour faire saliver tous les collectionneurs et aficionados du genre, moi en premier.

Seulement, une rapide recherche sur les internets nous montre que nous avons été floués. Il s'agit plutôt d'une oeuvre très contemporaine, composée en 2002 par un certain Martin Archer, l'homme derrière le label de musique improvisée anglais Discus. Il est aussi un musicien méconnu qui trempe dans le free-jazz et la musique électro-acoustique. Il a récemment sorti un disque en duo avec la vocaliste Julie Tippetts qui s'est attiré des critiques élogieuses. Néanmoins, on en ressort avec le sentiment de s'être fait tromper.

Pour Lacan, l'amour est le résultat d'une tromperie où on parvient à convaincre l'autre que l'on possède ce qui lui fait défaut, donc de donner ce qu'on n'a pas. Cette dynamique est superbement exemplifiée avec ce disque de Martin Archer et le sentiment qu'il a suscité chez moi au début était tout aussi fascinant que de tomber en amour. N'ai-je pas déjà dit que ma recherche amoureuse et ma recherche de disques sont étroitement liées? C'est encore plus vrai en prenant ce pas de recul que ma fait vivre non pas la musique du disque, mais toute l'image qui l'entoure.

Par ailleurs, sur la pochette, nous avons une toile datant de 1450 du peintre Jean Fouquet. Elle fait partie d'un dyptique célèbre et représente la Vierge Marie donnant le sein à un enfant Jésus surprenamment joufflu (et âgé). Il s'agit d'une des rares représentations de la vierge où elle dévoile la totalité d'un de ses seins. L'histoire raconte qu'il s'agirait plutôt d'un portrait, celui d'Agnes Sorel, première maîtresse officielle d'un roi de France. Celle-ci serait morte à l'âge de 28 ans et de récentes recherches avancent qu'elle a surement été empoisonnée au mercure. Il est étrange qu'un portrait de la Vierge Marie soit en fait inspirée par une femme qui est tout sauf vierge... L'oeuvre en fait n'est surement pas ce qu'elle paraît. Ce dyptique fut une commande d'un certain Etienne Chevalier, qui fut "très proche" d'Agnes Sorel et aussi son exécuteur testamentaire. Peut-être s'agit-il d'une supercherie. On peut supposer Chevalier comme un amant proche d'Agnes et la seule façon pour lui de posséder la maîtresse du roi fut de commander son portrait sans que personne ne le soupçonne. D'ailleurs les anges et chérubins qui complètent la toile sont tous occupés à regarder ailleurs.

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