dimanche 22 avril 2012

John Zorn: "Mount Analogue" (Tzadik, 2012)



Pendant de nombreuses années, j'ai cherché des signes. Dans la littérature mais surtout dans la musique. Tout était un prétexte à déchiffrer, regarder au-delà des apparences, repérer les indices. Ma fascination pour l'enseignement de G.I. Gurdjieff devait mener à chercher ses ramifications à même mes autres champs d'intérêts. La liste de musiciens/artistes s'étant inspirés des enseignements de Gurdjieff est longue, surprenante et contribue à remettre à jour cette fascination. Certains s'affichent plus ouvertement, d'autres le font discrètement. D'ailleurs, un des précepte du "Travail" de Gurdjieff est de ne pas en parler. Mais cette poussée qui demande à s'afficher nous trahit bien souvent; un mot, un logo discret, une idée élaborée en entrevue... Ainsi se crée l'espoir d'une communauté, de gens partageant le mêmes idéaux et intérêts, se regroupant pour transmettre la connaissance et favoriser la travail sur soi. Dommage que je n'y crois plus vraiment...



Pour ceux qui l'ignorent, G.I Gurdjieff est un "mystique" du début du 20e siècle. Contemporains des idées qui circulaient dans les cercles fermés de toute l'Europe, ses idées sont empreintes de toute les mouvances et dénotent un souci d'emmener l'homme à travailler sur lui-même afin de développer son plein potentiel.Plusieurs livres sont disponibles à ce sujet. Musicalement, la question est moins bien documentée. Mon souci actuellement est de procéder à cette documentation mais il s'agit d'un travail d'une vie... De son vivant, G.I. Gurdjieff a travaillé en étroite collaboration avec son disciple Thomas De Hartmann pour annoter des partitions au piano; Gurdjieff disait que c'était des fragments de ses souvenirs d'enfance, des chants grecs, géorgiens, perses, arméniens, des mélodies sacrées entendues dans les ordres religieux secrets qu'il a visité. Comme dans la majeure partie de son enseignement, il est difficile de discerner le "folklore" de la vérité. Gurdjieff désignait son enseignement en trois parties d'importance égales que les disciples actuels ont tendance à oublier: la musique, les danses et la théorie et il se faisait insistant en disant qu'il ne fallait pas les séparer. De nombreux albums ont été publiés avec les années, les compositions Gurdjieff/De Hartmann jouées par le pianiste Alain Kremski sont surement les plus connues. Ces compositions peuvent être qualifiées d'exotériques, faisant partie d'un cercle extérieur, donc plus accessible. Les compositions ésotériques sont celles qui ont servi aux danses sacrées chorégraphiées par Gurdjieff et sont depuis peu accessible à tous (et encore... certaines danses ne circulent que dans les groupes encore actifs). L'interprétation qui a le plus contribué à faire connaître cette musique est sans contredit celle du pianiste Keith Jarrett, parue sur le label ECM. D'ailleurs ECM est le seul label reconnu qui continue encore de sortir la musique de Gurdjieff avec la parution l'année dernière du Gurdjieff Folk Instruments Ensemble, probablement un des meilleurs disques du lot.



Gurdjieff a été, par ailleurs, un grand théoricien de la musique. Quelqu'un qui reprend ses idées à son compte ne doit pas oublier qu'il s'inscrit dans une tradition et une optique très particulière de la musique. Dans le livre "Récits de Belzébuth à son petit-fils", Gurdjieff élabore cette théorie sous des couches d'allusions. On retiendra principalement que pour ce penseur, la musique (et l'art en général) se devait d'être objective. Par "art objectif", Gurdjieff entend qu'il doit s'agir d'un langage. L'art doit communiquer un message objectif à la personne qui le reçoit, il s'agirait donc d'un ensemble de signifiés et de signifiants qui seraient partagés par tous les humains étant capable de parler cette langue. La musique comme langage est un concept débattu en linguistique et en sémiotique. Par ailleurs, Gurdjieff s'appuie sur une théorie des vibrations complexe afin d'approfondir son propos.





Donc à part jouer les compositions de Gurdjieff, comment un musicien contemporain peut-il poursuivre une recherche musicale en ce sens? Les options semblent limitées. Tout d'abord il va sans dire qu'une certaine légitimité s'impose, qu'un travail préalable dans une école dite de la "quatrième voie" est nécessaire. Le guitariste Robert Fripp (oui, oui de King Crimson), a étudié avec J.G. Bennett (élève direct de Gurdjieff) dans les années 70 et a mis sur pied le Guitar Craft; une école de guitare qui prône le travail sur soi par des pratiques de méditations assises et une technique d'accordage particulière ,le New Standard Tuning. Le chanteur David Hykes, étudiant de Lord Pentland avec la fondation Gurdjieff de New-York, a développé une technique de chant nommée "Harmonic Chant", inspirée des chants de gorges traditionnels du Tibet et de la Mongolie (entres autres...). On retrouve aussi le compositeur Pierre Schaeffer (étudiant direct de Gurdjieff), qui a construit sa théorie des objets sonores sur les principes de musique objective de Gurdjieff. De mon côté, j'ai trouvé que les musiciens utilisant la technique du "Just Intonation" poursuivent la réflexion mais en se concentrant uniquement sur la musique et ne s'enfargent pas dans l'aspect "technique méditative" et travail sur soi.







Mais voilà qu'arrive John Zorn. C'est bien connu, Zorn est un artiste qui s'intéresse à l'occultisme et au "Magick" depuis de nombreuses années. Qu'il ait été exposé aux idées de Gurdjieff à un moment de sa vie ne faisait presque aucun doute. Seulement, il n'en parlait pas ouvertement. Jusqu'à ce qu'il sorte le disque "In Search of The Miraculous" (titre d'un ouvrage de P.D. Ouspensky ,"Fragments d'un enseignement inconnu" en français, qui a servi à plusieurs comme introduction aux idées de Gurdjieff)en 2010. D'ailleurs, les titres des pièces sur cet album font directement référence à la musique de Gurdjieff avec par exemple "Prelude: From a Great Temple", "Sacred Dance (Invocation)".... Ce fut pour moi une confirmation de son intérêt dans les idées de Gurdjieff. Mais le disque est abominable...Un jazz mièvre, sans conviction, qui ne semble pas préoccupé par la théorie qui devrait se trouver derrière de tels titre.



J'ai eu peur que c'est ce qui nous attendait avec la sortie de "Mount Analogue". "Le mont Analogue" est le titre d'un livre inachevé du poète français René Daumal, qui a étudié avec Gurdjieff durant la deuxième guerre mondiale. Il s'agirait d'un récit initiatique d'inspiration surréaliste mais pour quiconque connaît l'enseignement de Gurdjieff et l'histoire personnelle de Daumal, le surréalisme est ici plus allégorique. Daumal utilise sa passion de l'alpinisme pour aborder les idées de Gurdjieff et, ce faisant, se sert du mythe quasi universel de la montagne sacrée. Daumal a été par ailleurs un grand commentateur de la musique et du théâtre indien et a traduit plusieurs oeuvres du sanskrit au français.

Pour ce disque, Zorn prends soin de mettre en contexte et de préciser dans le livret qu'il n'a jamais fait parti d'un groupe Gurdjieff et n'a jamais pratiqué les exercices transmis dans ces groupes. De plus, il précise qu'il a composé la totalité du disque en écoutant le film "Meetings With Remarkable Men" de Peter Brook. C'est cette influence qui est plus présente dans la musique et en cherchant à fusionner les deux oeuvres, Zorn s'égare et trempe parfois dans les eaux du "Holy Mountain" de Jodorowsky, surtout dans les moments les plus ritualisant d'abstractions sonores. S'il avait voulu s'inspirer d'une oeuvre plus marquante de Daumal et éviter de tomber dans ce type de comparaison, Zorn aurait pu se servir du livre "La grande beuverie", relatant avec force le cheminement de l'auteur dans l'enseignement de Gurdjieff.

À l'écoute du disque, on discerne un sentiment de quête, qui pourrait aussi s'inscrire dans sa série de compositions "Filmworks", la musique est narrative et suggère une mise en action. Une quête mais aussi un rituel et on peut imaginer quelles sont les scènes du film qui ont laissé une impression chez Zorn, celles qui ont permis aux hydrogènes de s'affiner. Comme plusieurs, il a été impressionné par les danses sacrées présentées la fin du film, c'est cette image qui persiste à la moitié de l'écoute. Si l'effort est louable, Zorn a passé à côté de l'essentiel de la musique de Gurdjieff. Il a occulté le caractère sacré de cette musique et s'éloigne de l'idée de musique objective en l'imprégnant de ses propres semences. Soulignons que le piano était considéré par Gurdjieff comme l'instrument le mieux adapté pour transmettre le caractère particulier de sa musique; une musique dénuée de sexualité, où la libido se trouve attachée à des contextes précis, observable dans les thèmes distincts des danses pour hommes uniquement et pour femmes uniquement. Le sexuel dans la musique de Zorn est libre et sauvage, il cherche à se lier/délier aux autres et ne favorise pas un retour à soi, nécessaire à la fraternité exposée par Gurdjieff. Car en écoutant "intentivement" (c'est moi qui invente: écouter avec intention) la musique de Gurdjieff, on éprouve ce retour à soi mais aussi un retour a une figure paternelle, représentante d'un idéal d'ordre et de Loi, incarné par le Logos. Et on rejoint ici Daumal avec son personnage de Pierre Sogol, le guide de l'expédition sur le Mont Analogue.

En choisissant de faire une unique pièce, Zorn semble avoir voulu privilégier les "chocs", des changements brusques d'ambiances,qui peuvent servir à l'auditeur de rappel de soi, un moment pour sortir de la séduction sexuelle et se rappeler qu'il existe comme Sujet. Dans le livret, Zorn explique aussi la manière dont se sont déroulées le sessions d'enregistrements et souligne le concept de "sur-effort" tel qu'abondamment exposé dans le livre de Ouspensky "In Search Of The Miraculous". C'est peut-être ici que le lien avec une forme de pratique méditative peut se faire. La musique est cependant très inspirée et inspirante, un des grands disques de John Zorn. J'avais aussi apprécié le disque "Interzone" paru en 2010 et je trouve que les deux se situent dans la même lignée. Référence/hommage à un auteur particulier mais où Interzone était beaucoup plus "rock" et abrasif, "Mount Analogue" se veut feutré et doux, restes laissés par l'enseignement de Lanza Del Vasto sur la personnalité de Daumal. Mention spéciale à l'excellent Shanir Ezra Blumenkranz au oud et la basse et au toujours inspiré Cyro Baptista


mardi 17 avril 2012

Cursillistas: "Observe Ember Weeks" (L'Animaux Tryst Field Recordings, 2012)


Une des découvertes musicales qui m'a le plus marquée, est sans contredit l'oeuvre de Matt Valentine et d'Erika Elder. Lorsque j'ai eu vent de leur musique, c'était sous le nom de MV & EE Medecine Show. À ce moment, j'ai été exposé à un folk parfois improvisé souvent suintant d'effets, et me permettant de découvrir de nombreux artistes associés à leurs parutions. Faire l'énumération des disque qui m'ont marqué serait fastidieux car ceux-ci ont fait paraître sur leur propre étiquette une multitude de cd-r dont la plupart sont dignes d'intérêts. au départ, ils utilisaient comme marque de commerce "Heroine Celestial Agriculture " sur leur label Child Of Microtones et cette appellation m'est restée, surtout car elle me semblait convenir parfaitement à la musique que je découvrais à chaque nouvelle sorties. Alors que le Hip-Hop nous servait une musique Chopped & Screwed bourrée au sirop, le folk vivait sa propre intoxication aux opiacés avec MV & EE. Mais le délire était somme toute différent; pas vraiment de ralentissement, ni de réarrangements mais plutôt un enregistrement lo-fi, des pédales d'écho, de reverb et de delay montées au maximum, rappelant avec nostalgie une époque pas si lointaine.



Il n'est pas surprenant donc de retrouver Matt Lajoie (l'homme derrière Cursillistas)comme collaborateur régulier de Valentine avec le groupe Bummer Road et plus récemment Herbcraft. Les deux partagent une esthétique et une sensibilité similaire, combinée avec un goût pour l'expérimentation. C'est sur le label Digitalis, que j'ai eu connaissance pour la première fois de Cursillistas, ayant fait paraître l'excellent disque "Wasp Stings The Last Bitter Flavor" en 2008. Il nous présentait sur ce disque un folk sombre, bourdonnant de basses fréquences. Depuis, quelques parutions obscures et inaccessibles, épuisées trop rapidement.



Sur "Observe Ember Weeks", Lajoie conserve la même recette et mélange le Dilaudid à sa mixture de racines pour créer cet effet hypnotique et catatonique particulier à cette mouvance de folk psychédélique. Les morceaux se déploient lentement, une note à la fois, superposant les nappes sonores sur un 4 tracks parfois saturé. La voix et les instruments sont liquéfiés par les effets à différents degrés et les mots sont souvent inaudibles.Le chant fantomatique de Lajoie invite l'auditeur à un degré d'attention différent, reconnaissant la langue et certains mots mais incapable d'en faire du sens. Du moins, le sens n'est pas donné au regard; il mérite réflexion, réécoute et une attention orientée sur la phonétique des mots. Les pièces les plus réussies sont celles présentant un côté rythmique et une structure plus apparente, ajoutant une touche rétro (i.e. la tambourine) qui contextualise l'ensemble. Superbe vinyle sorti sur le propre label de Lajoie avec une pochette sérigraphiée, 225 copies seulement. L'Animaux Tryst Field Recordings



dimanche 8 avril 2012

Matthew De Gennaro: "Adversaria" (TU-134, 2011)


Je commence à être nostalgique du folk expérimental. Je ne peux réprimer un mouvement de dédain face aux tangentes traversant de part en part la musique expérimentale contemporaine. On dirait que beaucoup de musiciens expérimentaux se tournent vers les synthétiseurs analogues et se contentent de longues nappes sonores planantes à la Klaus Schulze et, sous le couvert du psychédélisme, contribuent à maintenir le dormeur dans un état comateux, à l'image de ce malaise social qu'est l'indifférence généralisée. Le dormeur doit continuer à rêver, et il construit des dispositifs qui préviennent les stimulis externes de le réveiller. J'imagine que c'est ce qui motive mon retour à la musique folk, celle qui demande à l'homme de se détacher de la machine et d'empoigner un instrument vibrant.

En 2005, le label Last Visible Dog (LVD), avait fait paraître la gargantuesque compilation "Invisible Pyramid elegy box set", un boîtier de six cd's regroupant la crème de cette nouvelle scène de musique expérimentale qui étaient en train de bouillonner en parallèle avec la nouvelle culture des cd-r. Les gens de LVD ont ratissé large et ont su regrouper sur cette compilation des noms qui tardaient à se faire connaître, à être nommés. Depuis, le label a fait paraître de nombreux albums de ces artistes et bien d'autres. Cependant, avec le déclin de la vente des cd's leurs activités ont grandement diminuées. Leur catalogue entier est en vente au coût de 80$ et on peut acheter sur leur site les cd's individuels à 5$ chacun (avis aux amateurs). Cette longue introduction sert en mettre en scène la découverte que j'ai fait sur cette compilation du guitariste Matthew De Gennaro, qui a aussi fait paraître l'album solo "Humbled Down" sur ce même label. De Gennaro a aussi collaboré avec Alastair Galbraith sur le remarquable disque "Long Wires in Dark Museums vol.1", une collection de drones acoustiques et musicaux.





"Adversaria" est le plus récent disque de De Gennaro et parvient à faire vibrer mon âme. La dernière fois que j'ai éprouvé un tel sentiment, c'était avec le disque de Richard Skelton, dont j'ai parlé dans ce blog. Un superbe album qui est parvenu à s'imposer comme la trame sonore de mes journées. "Adversaria" possède aussi cette qualité cinématographique mais frôlant de plus près l'idiome folk. Il émane de cette musique des images de plaines et de désert, de forêts désolées, invitant l'auditeur à se matérialiser dans un genre de western méditatif, dans la même lignée que les films (et leurs trames sonores) "The Hired Hand" et "The Proposition". On y ressent une émotion à fleur de peau, aiguisée par les guitares acoustiques, le banjo, la viole de gambe (ou violon?), quelques effets électroniques et un harmonium essoufflé. On est facilement invité à rêver, à se perdre devant l'immensité d'un paysage désert. Une trame sonore qui permet de nous éloigner de la ville, de retrouver le calme et renouer avec la contemplation, trop souvent absente de nos vies. Contempler n'est pas dormir et encore moins rêver. Ce ne sont pas les mêmes mécanismes qui sont à l'oeuvre. Cette action nécessite un degré de conscience différent, un état d'éveil qui ne nous confronte pas à un paysage synthétique, mais permet de nous en retirer en tant que Sujet. Une musique qui évoque plutôt des scènes qui rendent compte de l'absence et du silence technologique de l'homme; sa propre absence et son aphasie.



On peut télécharger des disques précédents de De Gennaro ici. et en écouter .

jeudi 5 avril 2012

Imbogodom : "And They Turned Not When They Went" (Thrill Jockey, 2012)


Il y a de ces artistes qu'on découvre en début de carrière; qu'on suit pendant un bout de temps et qui finissent par nous lasser... On se tourne alors vers autre chose. En fait, rares sont ceux qui parviennent à capter notre intérêt et à se renouveler de disques en disques. Cette réussite est le lot d'une minorité. J'ai découvert Alexander Tucker avec son premier disque paru sur le label ATP: "Old Fog", paru en 2006. Ce n'est pas un album qui m'a jeté par terre, simplement intrigué. Un curieux mélange de folk, de renouveau médiéval et de grosses distorsions. Un mélange qui s'est affiné avec les années et les parutions. Son plus récent album solo, "Dorwytch" paru sur Thrill Jockey l'année dernière a confirmé pour plusieurs observateurs de la scène expérimentale, le statut et le talent particulier d'auteur/compositeur de Tucker, en exploitant ses tendances progressives médiévales à travers ses constructions musicales.



À cet effet, je regrette de ne pas avoir lu le livre "Electric Eden" du journaliste musical Rob Young. Dans ce livre, l'auteur resitue une résurgence des chants païens et médiévaux aux travers de la musique folk britannique. Une espèce de retour du refoulé, éteint par la religion catholique protestante pendant des siècles. Ce qui nous entraîne dans ce plus récent disque d'Alexander Tucker.



Imbogodom est un duo de Tucker avec le néo-zélandais Daniel Beban. Les deux se sont rejoints sur un premier effort paru en 2010, encore sur Thrill Jockey. "The Metallic Year" ne m'avait pas vraiment interpellé à sa sortie mais je risque de retourner m'y perdre prochainement. Sur le nouvel album, le duo semble explorer les mêmes pistes défrichées auparavant. Les deux m'apparaissent comme des explorateurs, voyageurs d'un monde onirique, où à la manière de psychanalystes, ils réinterprètent les contenus inconscients et les démons infantiles en fonction de leurs compromis fantasmatiques.Le statut onirique de cet album est probablement son aspect le plus intéressant. En tant qu'entrepreneurs du rêve, Beban et Tucker puisent leurs matériaux à différentes sources et procèdent à un tissage vaguement narratif avec une part d'incohérence. Les résidus diurnes sont incorporés à des souvenirs anciens qui tentent tant bien que mal de dissimuler des fantasmes phylogénétiques.Ceux-ci sont révélés par l'iconographie du disque; le serpent lové sur lui-même, un repli sur soi, permettant de se retrouver seul au centre de l'univers, pour pouvoir laisser libre cours à la jouissance déliée. Un étrange disque folk, expérimental, qui s'impose comme une mise en scène singulière de la pulsion de mort. Un de mes disques favoris sorti cette année.