lundi 30 mai 2011

Philippe B. "Variations Fantômes" (Bonsound, 2011)


Il y a quelques années, j'ai joué avec Philippe B à la maison de la culture Hochelaga. À ce moment, je discutais avec mes collègues de sa musique. Bons textes, bonnes mélodies mais on trouvait particulier le fait qu'il choisit de brancher sa guitare directement dans la console au lieu de jouer sur un ampli. Surtout car cela lui donnait un son générique, sans âme, sans grain... Je continue de reprocher à la musique québécoise cette absence d'abstraction immatérielle qui se définit par âme. Il en manque dans la musique, trop peu de personnalité, comme si la langue suffisait à elle seule pour se particulariser.

Philippe B est aussi connu comme un des accompagnateurs de Pierre Lapointe. Il partage cette tâche avec entres autres Guido Del Fabbro et Philippe Brault, deux musiciens qui parviennent à tremper un pied dans la musique pop et l'autre dans l'expérimentale. C'est presque impossible que Philippe B ne se soit pas laissé influencé par eux dans ses goûts musicaux, d'autant plus qu'ils sont présents sur le disque. D'ailleurs, comme il est un bon client de l'Oblique, j'ai un accès privilégié à ses achats et ceux-ci transparaissent un peu.

Ainsi, il semble que Philippe ait tenté de pallier à cette absence d'âme en incorporant dans sa musique des arrangements et des segments échantillonnés de musique classique. C'est la carte de visite de "Variations Fantômes", ce qui fait son originalité. Poulenc, Satie, Saint-Saëns, Ravel, Vivaldi.... Ils se côtoient tous dans cette oeuvre quand même très réussie. Visuellement aussi c'est bien réussi. La version vinyle est superbement sérigraphiée. Il y a aussi un lot de photos qui accompagnent chaque chanson. Une photo d'un photographe différent pour chaque pièce. Chacun s'est inspiré d'une partie de la chanson choisie ou du processus créatif derrière cette chanson pour réaliser leur cliché. Très beau résultat qui nourrit amplement mon côté fétichiste. Merci pour ça.

Mais il y a plus. Philippe B écrit des belles chansons, c'est un auteur qui sait mettre en musique des mots et des thèmes lexicaux intéressant. De plus, ce disque est clairement le résultat d'une séparation amoureuse. On y retrouve donc le pathétisme familier, propre aux hommes ayant trop aimé. Ceux qui ont la sensibilité de s'identifier à ces paroles y verront leur fin de relation et les questionnements qui y sont associés quand on remet tout en question. Et ils se diront peut-être comme moi que j'aurais pu écrire sensiblement la même chose...

C'est difficile de dire que "Variations Fantômes" est un disque folk même si c'est l'esthétique qui prédomine. Comme mentionnée, la présence d'échantillons de musique classique vient brouiller les pistes et entraînent une atmosphère un peu plus baroque. Somme toute, c'est la guitare acoustique et le piano qui demeurent à l'avant-plan. Naturellement, les morceaux les plus déchirés et tristes sont ceux qui m'ont le plus touché et sont mes préférés du disque. Les autres, un peu plus pop, m'ont laissé parfois indifférent.

Le disque commence en force avec "Hypnagogie", une pièce folk lumineuse qui laisse entrevoir l'aura qui prédomine le disque; la perte de l'autre, peut-être cette photographe qu'il n'est pas capable de quitter des yeux...La pièce qui suit, "L'été", est tout aussi bonne et Philippe B est vraiment bien accompagné par les choeurs de Josiane Hébert. Sur "La ballerine", même si j'ai trouvé le textehttp://www.blogger.com/img/blank.gif moins bon, la musique est magistrale, surtout Guido à la scie musicale en finale. Superbe "Petites leçon de ténèbres" qui contient des extraits vocaux de la pièce "Leçons de ténèbres" de François Couperin. Les échantillons de voix fantomatiques m'ont rappelé les frissons que j'avais eu en écoutant le merveilleux disque d'Akira Rabelais intitulé "Spellewauerynsherde". "Nocturne n.632", où Philippe s'accompagne seul au piano, m'a fait un peu pensé à du Tricot Machine et ça m'a demandé un effort pour l'apprécier. Mais le texte est fort et beaucoup plus poussé, tant mieux. La pièce "Reprise" qui clôt le côté A est une que j'aime le moins, la dessus Philippe est encore en amour et c'est dommage car la face A du vinyle aurait été presque sans failles.



Le côté B s'essouffle une peu. On retrouve l'intérêt avec California Girl et ses arrangements de cordes qui m'ont fait penser à samples Hip-Hop. Juste avant, "Chanson pathétique" est très intéressante mais est rendue plus opaque par le jeu de drums de Francis Mineau. j'ai moins accroché sur le reste, en particulier sur la valse de "Marie" même si la scie et l'harmonium la réchappe un peu.



La thématique du voir revient sensiblement souvent dans les textes de Philippe, l'absence de voir, la noirceur, le dévoilement, l'aveuglement... Si effectivement ce disque fait suite à une rupture amoureuse, il y a un élément visuel qui revient systématiquement dans les textes les plus tristes. "Ma photographe" ?

Mais si ça peut te rassurer Philippe, c'est normal que parfois quand ça fait mal ça fait en fait du bien...

Aucun commentaire:

Publier un commentaire