jeudi 3 mars 2011

Latitudes


Il y a des gens qui aiment vraiment la musique. Qui s'investissent corps et âmes dans la diffusion de trucs obscurs, de groupes expérimentaux qui rejoignent un public trop restreint. Les gens derrière le label Latitudes font partie de cette catégorie. Définitivement.

J'ai été exposé une première fois à Latitudes à travers les Sun City Girls. Dans ma maladie, je cherchais toutes les sorties des SCG et je suis tombé sur un album solo de Sir Richard Bishop intitulé "Fingering the Devil". J'avais déjà accroché sur le titre et l'iconographie du cd. D'emblée, je savais que la musique allait me satisfaire pleinement. Je peux avouer que je n'ai pas été déçu et "Fingering the Devil" demeure un de mes albums préféré de Richard Bishop. De plus, quand j'ai eu l'objet entre les mains j'ai pu constater de visu le travail admirable du label Latitudes; une superbe pochette en carton qui se referme en rabattant les pans arrières les uns par dessus les autres, un artwork embossé et un texte explicatif de la session d'enregistrement en guise de liner notes. Tout ce que j'aime. En lisant le texte j'ai découvert que les deux types derrière ce label sont des fans finis de musique et qu'ils invitent différents artistes, de passage à Londres, à venir enregistrer au studio Southern. Aucune préparation au préalable, les artistes viennent enregistrer des trucs spontanés. Latitudes est en fait une division du label Southern Records, également un magasin de disques de Londres.



Je me suis procuré par la suite un ep de Blood and Time, un projet folk de certains musiciens du groupe métal Neurosis. Suite à cela, j'ai gardé un oeil ouvert pour chacune des nouveautés apparaissant sur Latitudes Seulement, en raison de la courte durée de certains albums j'ai réprimé mes ardeurs. Comme moi, certains ont pu rechigner un peu sur la durée trop courte de certaines parutions en comparaison avec leur prix de vente. Ce qui fait que 1$ la minute, c'est parfois cher payé pour un disque. L'idée était en fait de sortir des ep,dont la durée oscillerait entre 15-25 minutes mais certaines parutions sont beaucoup plus longues, pour notre plus grand bonheur.



Voilà que Latitudes semble ouvrir ses voûtes cette année et met sur le marché plusieurs albums d'un coup, du moins il semble avoir une nouvelle parution à chaque mois; Gang Gang Dance, Ariel Pink's Haunted Graffiti, Gowns, Nadja, Bohren und der Club of Gore, Magik Markers, Circle, Grails, Miasma et plein d'autres... Je ne sais pas si ces disques sont tous sortis cette année mais on dirait que la plupart viennent tout juste d'apparaître sur les listes de nouveautés de mes distributeurs et disquaires préférés.

De mon côté, j'ai commandé ceux de: Master Musicians of Bukkake, Boduf Songs, Mount Eerie, Dälek, The (Fallen) Black Deer et Alexander Tucker Decomposed Orchestra. Je n'en regrette aucun.

Tout d'abord, le disque de Master Musicians of Bukkake "Elogia De La Sombra" est tout simplement génial. Fidèles à leurs bonnes habitudes, ils continuent de mélanger rock psychédélique, musique ethnique et improvisation à la manière des Sun City Girls. On retiendra la pièce titre «Elogia de la Sombra», où ils infusent une rythmique Krautrock à leur pratique barbare et «Tainted Phenomena» avec la répétition du mantra du Sutra du Coeur.




Un autre disque qui m'a beaucoup impressionné est celui du Alexander Tucker Decomposed Orchestra "Grey Onion". Je connaissais Alexander Tucker pour ses albums solos sur ATP et j'appréciais beaucoup son mélange de rock psychédélique aux incursions baroques. Mais avec l'ajout de Duke Garwood à la clarinette et au saxophone, on entre dans un univers assez différent. Mélange de folk, de drone et de free-jazz très convaincant, avec la voix de Tucker sur deux pièces.



Puis il y a le disque de Dälek... Que dire. Il s'agit d'une longue pièce de 40 minutes où s'entremêlent spoken word, drones orientaux, guitares électriques acerbes, breakbeats tirant sur le métal/industriel. Un disque essoufflant mais brillant, un peu dans l'esprit du Faust v.s. Dälek. Assommant et magnifique.



Le disque de Mount Eerie "Black Wooden", respecte la forme classique du folk mélancolique auquel nous a habitué Phil Elverum. Celui-ci s'accompagne à la guitare acoustique et électrique, avec une pièce instrumentale construite avec un peu d'overdubs tout en restant minimale. La prise de son est exceptionnelle et les chansons très belles, comme d'habitude.



The (Fallen) Black Deer "Requiem" est une belle surprise. Il s'agit en fait d'un projet de Josh Graham et Greg Burns du groupe Red Sparowes (et Halifax Pier). Ceux-ci sont entrés en studio avec l'idée d'enregistrer une trame sonore improvisée sur la fin du film "The Shining". Le résultat est excellent et du même coup m'a permis de découvrir le groupe Red Sparowes, qui font un post-rock un peu plus folk, très cinématographique. Un peu surprenant quand on apprend que le groupe est formé entres autres, de musiciens des groupes métal Neurosis et Isis.



Finalement, l'album de Boduf Songs "The Strait Gait" or "A Great Difficulty In Getting To Heaven" ; deux longues pièces qui nous éloignent sensiblement de leurs albums sortis sur Kranky. Malgré la voix un peu difficile de Matt Sweet, j'ai appris à aimer son projet Boduf Songs et surtout son album "How Shadow Chase the Balance" . Pour cette session d'enregistrement, Matt Sweet s'est associé à deux autres musiciens soit C. Henry et W. Goatley (dont j'ignore la provenance). La première pièce "Please Extract my Teeth with your Rustiest Pliers (For Redemptive)" est un drone digne de films d'horreur et qui n'a rien à envier à des groupes noise plus connu pour ce genre de style. À partir de 10:38 la tension s'apaise et se transforme en une pièce de folk acoustique superbe. Le deuxième morceau "That Angel was Fucking Piss" nous reconnecte avec la voix et la guitare de M. Sweet pour se terminer avec un superbe drone de basse. 22 belles minutes de musique.



Limités à 1000 copies vinyles et/ou cd, ces albums (et le label en arrière) méritent d'être entendus, achetés, découverts... Vous pouvez les commander chez vos disquaires favoris ou directement au label (à bon prix).

2 commentaires:

  1. Ca faisait un petit moment que ça me démangeait et ton article a fini de me convaincre: je vais me commander le Alexander Tucker

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  2. Le Alexander Tucker en vaut le coup, c'est très bon. Ça m'a permis de découvrir Duke Garwood par la même occasion.

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