dimanche 9 mai 2010

L'énigme Will Oldham


Il y a des émotions et des gens qui les mettent en musique. Will Oldham est , selon moi, un des artistes les plus marquants des quinze dernières années. Bien sûr, il n'a pas connu un succès commercial retentissant, mais cela ne l'empêche pas de sortir un album par année (en moyenne) et de bénéficier d'une reconnaissance majeure des acteurs important dans l'industrie du disque. J'aurais été curieux de voir son spectacle live en première partie de Bjork et la réaction du public...

Que ce soit sous son nom, le pseudonyme de Bonnie Prince Billy ou au sein des Palace Brothers et Palace Music, Oldham possède cette voix particulièrement fragile et une façon de chanter reconnaissable entre mille. Et au-delà du style il y a les textes. C'est probablement ce qui le distingue el plus de tous les autres auteurs compositeurs de sa catégorie( catégorie qui incluerait qui ? Vic Chesnutt? Smog?...suggestions?). C'est surtout sous Bonnie Prince Billy que j'ai été séduit par Will Oldham. Certains thèmes sont des thèmes majeurs dans la musique, surtout ceux portant sur les relations humaines; l'amour, l'amitié et la solitude sont des sources inépuisables d'inspiration pour ceux qui savent y puiser. D'autant plus que je me questionne continuellement sur le genre de vie que ces gens doivent mener, où du moins sur les pensées qui les habitent au quotidien...

Je suis entré de plein pied dans le monde de Bonnie Prince Billy par la porte du fabuleux «Master and Everyone» (2003). À ce moment (2003), je suis en peine d'amour et aux prises avec des considérations spirituelles. C'était avant de connaître Leonard Cohen. Mais quand même, c'était une des rares fois où quelqu'un mettait mes émotions en musique de cette façon et je ne pouvais qu'apprécier sa profondeur. Combien de fois ai-je ressenti cette montée d'émotions de ma gorge à mes yeux à l'écoute de «Hard life» et «The way». Ce disque a d'ailleurs connu un succès intéressant (pour un disque dépouillé de ce genre). J'avais cependant accroché sur une critique faite par Ian Penman dans les pages du Wire, qui ne partageait pas l'engouement de tous sur ce disque, lui préférant un disque antérieur, «I See a Darkness» (1999). Il lui reprochait aussi la «barbe conceptuelle» sur la pochette du disque, perçue plus par l'auteur comme existant pour des considération esthétiques plus que comme une simple barbe... Quand j'ai finalement écouté «I See a Darkness» j'ai compris pourquoi et je lui ai donné raison.



Cet album m'est apparu comme nettement supérieur au niveau des chansons, paroles et arrangements. On y trouve de vrais perles et ce, en abondance. Je parle ici de la pièce titre, de «Black» et surtout, mais surtout, de «Death to Everyone». On se permet de crier au génie en parlant de cette chanson, Oldham s'aventurant sur une avenue ô combien glissante mais tellement bien réussie en souhaitant la mort de tous. De plus, les thèmes sont plus variés et ne portent pas tous sur les relations amoureuses.



Par la suite, sa collaboration avec Matt Sweeny sur «Superwolf» (2005) était tout aussi cryptique. Sutout dans les paroles, où Oldham nous surprend en incarnant des personnages feminins et masculins dans une même chanson en écrivant à la première personne (ce qui porte parfois à la confusion). Je crois que les émotions qui sont les mieux portées par ces chansons sont celles qui sont contradictoires; l'amour - la haine, le désir et le rejet, incluant des allusions incongrues à la sexualité... Un disque tellement puissant et intime que c'en est troublant.




Étrangement, est inclus dans le livret de la pochette de «Superwolf» un court texte de l'écrivain américain Paul Bowles, portant sur la distinction entre l'alcool et le cannabis et leurs usages dans les sociétés musulmanes (haschish) et occidentales (alcool), ainsi que leurs impacts psychologiques sur les populations. Texte intéressant qui cependant vient brouiller la cohérence de l'oeuvre musicale. La logique de son insertion ne tient surement que par un fil,qui se trouve dans la tête de son créateur, mais échappe à celui qui le questionne.


Les disques plus récents de Bonnie Prince Billy «Beware» (2009), «The Letting go» (2006), «Lie down in the light» (2008), entres autres, ne me sont pas apparus aussi lumineux que leurs prédécesseurs. Me laissant avec l'impression que Oldham tente de rendre son chemin plus accessible. Notez que je n'oppose pas ici lumineux à sombre.



Dans «Survivance des Lucioles» de Georges Didi-Huberman, il analyse certains écrits de l'auteur et cinéaste l'italien Pier Paolo Pasolini. Il parle de ces hommes-lucioles qui cherchent leur voie à travers les ténèbres en suivant les «lueurs mouvantes du désir» dans l'amour et l'amitié. Dans ses nombreux disques, Oldham a réussit à faire preuve d'humanité et c'est cette même humanité qui cherche à nous faire signe dans la nuit, nous rappelant que nous sommes vivants, en quête d'amour et des autres....

Et si je ressasse tout ça, c'est que naturellement, les émotions sont revenues; l'amour et la tristesse, emmenant avec elles leur lot de pensées et d'actions contradictoires et j'ai besoin de quelqu'un qui peut encore les exprimer pour moi.

Pour me donner l'impression d'échapper à cette tromperie.

3 commentaires:

  1. Ca y est, j'ai envie de réécouter les disques de Will Oldham. Je ne connais que Master and Everyone et I see a darkness. J'ai peut-être une petite préférence pour I see a darkness, qui est vraiment un disque incroyable. Un chef d'oeuvre ? Et dire qu'il y a des gens qui pensent encore que l'on faisait de la meilleur musique avant... Ils passent vraiment à côté de grands albums.

    RépondreEffacer
  2. Certes mais avant, il a signé d'autres chefs-d'oeuvres : Arise therefore, Palace music, Hope, j'en passe...

    RépondreEffacer
  3. J'étais là au spectacle de Bjork. On attendait impatiemment au Parc Jean Drapeau, on attendait depuis longtemps déjà, c'était plus qu'un spectacle pour nous Bjork mais un événement. Je crois qu'on était un peu dans la boue mais au soleil en même temps, en tout cas tassés et content d'avoir des bouteilles d'eau. Will Oldham assumait la première partie suivi des Yeahs Yeahs Yeahs. J'essaie de me souvenir, 8 ou 9 ans déjà ont passé depuis.
    Je crois qu'on était surpris, puis inquiets, et on en a finalement tiré des conclusions différentes. On était venu chercher de l'intensité, ou plutôt, on était venu exulter la notre dans l'univers de Bjork. Et lui, c'était carrément déconcertant. On a été quelques uns à trouver ça très beau, à se laisser emporter. Il était seul et sa musique sentait la mer et la solitude justement, je croyais que c'était irlandais, je sais pas, la barbe peut-être. D'autres ont trouvé que c'était n'importe quoi, complètement inapproprié. Parce qu'on cherchait à comprendre le statement de Bjork dans tout ça. Audacieux.
    Mais au bout de la soirée, on a quand même conclu qu'elle était plus une artiste de studio que de scène, légèrement déçus.

    Je ne savais pas que c'était lui que j'avais vu ce soir là, j'ai pu faire le recoupement grâce à ton article et situer le souvenir. Merci.

    RépondreEffacer